Les lecteurs de ce blog, ainsi que les universitaires de Grenoble, le savent : non seulement Raymond Avrillier est une célébrité locale, mais ce fut aussi cette année un intervenant régulier des événements organisés par le Centre de recherches juridiques. Qu’il s’agisse de la conférence citoyenne sur les sondages du Groupe de recherche sur l’Etat, l’administration et le territoire, organisée en décembre 2014 ou de la table-ronde sur GEG, organisée par le Groupe de recherche en droit public économique.
Mais Raymond Avrillier est aussi, désormais, une star du droit des sondages, ainsi que nous l’avions dit dès le mois d’octobre en arrivant à Grenoble.
En dernière analyse, il est à l’origine d’un recours contre la décision de la Commission des sondages de ne pas prononcer de mise au point dans l’affaire du sondage Sarkozy Valeurs actuelles, cette rumeur basée sur un sondage qui donnait Nicolas Sarozy vainqueur de la présidentielle alors qu’il préparait son retour en politique, mais de publier un simple communiqué.
Le Conseil a rendu un arrêt sur ce recours le 29 décembre 2014 (n°384445), que nous avons eu le plaisir de commenter et qui paraît dans l’AJDA de cette semaine. (« La commission des sondages, laboratoire du droit souple? », Commentaire de l’arrêt du Conseil d’Etat, Avrillier, 29 décembre 2014 (n°384445), AJDA, n° 18-2015, 1er juin 2015, p. 1058). C’est bien entendu une immense satisfaction scientifique et personnelle que d’être le commentateur AJDA du nouvel arrêt Avrillier en matière de droit des sondages électoraux !
Mais au delà de cette anecdote à l’intérêt finalement limité, c’est bien au fond que l’arrêt Avrillier présente un intérêt particulier, à un double titre.
Sur la procédure, cet arrêt semble prendre avec plus de souplesse qu’auparavant les exigences relatives à l’intérêt à l’agir, car l’irrecevabilité de la demande visant la décision de la Commission de publier un communiqué (et non la décision suivant la réclamation de M. Avrillier dont la recevabilité ne posait pas de difficulté) n’est pas soulevée. Soit le juge n’a pas jugé utile de le faire dans les circonstances de l’espèce, d’autant qu’il rejette au fond, soit il s’agit d’un élargissement de l’intérêt à agir, dans la foulée de l’arrêt Tiniez relatif aux autorités administratives indépendantes dont l’arrêt reprend d’ailleurs partiellement le considérant de principe. Affaire à suivre.
Sur le fond, cet arrêt confirme, après l’arrêt Mélenchon de 2012, le contrôle asymétrique sur les décisions de mise au point de la Commission des sondages : normal quand la Commission procède à une mise au point, restreint lorsque la Commission refuse de procéder à une telle mise au point. Mais surtout, il admet que la Commission des sondages dispose du pouvoir, si elle le souhaite et alors que cela n’est pas prévu par la loi, d’édicter des communiqués à la place des mises au point formelles ; permettant ainsi à la Commission des sondages d’agir pour corriger la publication de rumeurs dans la presse sans que cela ne prenne la forme d’une « sanction morale », que constituerait le prononcé de la mise au point prévue par la loi de 1977.
De ce point de vue, l’arrêt apporte à partir d’un cas particulier de quoi alimenter la théorie du droit souple du Conseil d’Etat, ce que M. Avrillier ne manquera pas de critiquer. Et nous aussi, car le droit des sondages électoraux mériterait une application normale.
Bonne lecture !
Romain Rambaud