Nous avions déjà évoqué cette question dans notre article sur l’affaire Bygmalion. Il existerait une affaire parce que c’est l’UMP, et non Nicolas Sarkozy, qui a payé l’amende administrative pour dépassement des comptes de campagne suite au rejet de ses comptes lors de la présidentielle de 2012.
En vertu de l’article L. 52-15 du code électoral, « Dans tous les cas où un dépassement du plafond des dépenses électorales a été constaté par une décision définitive, la commission fixe alors une somme égale au montant du dépassement que le candidat est tenu de verser au Trésor public. Cette somme est recouvrée comme les créances de l’Etat étrangères à l’impôt et au domaine ». La loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel dispose quant à elle que « Dans tous les cas où un dépassement du plafond des dépenses électorales est constaté, la commission fixe une somme, égale au montant du dépassement, que le candidat est tenu de verser au Trésor public. Cette somme est recouvrée comme les créances de l’Etat étrangères à l’impôt et au domaine ». En application de cette disposition, le Conseil constitutionnel a exigé de Nicolas Sarkozy le paiement d’une amende, fixée à 363615 euros par la CNCCFP, soit le montant du dépassement. Mais c’est l’UMP qui a payé cette somme.
Cependant, Nicolas Sarkozy a finalement annoncé ces derniers jours avoir adressé un chèque à l’UMP pour le dépassement des comptes de campagne. D’après son entourage, « Il a considéré qu’il devait [les] prendre en charge personnellement pour que sa famille politique soit à l’abri de toute polémique. »
Il existe en effet un doute juridique sur la légalité du paiement par l’UMP, mais il n’y a pas de réponse connue aujourd’hui. Saisi par l’UMP, Me Philippe Blanchetier avait considéré que la prise en charge de cette sanction administrative par le parti était conforme au droit… mais il se trouve que Me Philippe Blanchetier est aussi l’avocat de Nicolas Sarkozy. Il semblerait que le parquet n’ait pas eue la même analyse juridique que M. Blanchetier. Ainsi que le rapportait début juillet le JDD, une enquête préliminaire a été ouverte par le parquet de Paris pour déterminer s’il n’y a pas eu un « abus de confiance » lors du paiement par l’UMP de cette amende. Cependant, la question faisait l’objet d’une analyse différente de la part du Trésor, qui avait considéré que l’UMP pouvait s’acquitter de cette amende : en effet, aucune règle ne s’oppose explicitement à ce qu’un tiers paie cette amende.
D’après la jurisprudence, la somme que le candidat doit verser au Trésor quand il a dépassé le plafond des dépenses électorales constitue une sanction administrative à caractère pécuniaire, marquée par le principe de personnalité des peines, et le parquet en a déduit qu’il ne peut pas être pris en charge par le parti politique (CE 6 déc. 2002, Mme Marchand et a., req. no 231868: Lebon 449; BJCL 2003. 132, concl. Prada Bordenave, obs. Degoffe; RFDA 2003. 186, rubr. Terneyre, Code électoral Dalloz, art.L 52-15, note 228). Cependant, il faut bien dire que la solution n’est pas simple et que la jurisprudence existante (notamment celle du Code électoral) ne concerne que des problèmes de succession, et non de règlements de ces dettes par un tiers, a fortiori s’il s’agissait du parti politique en question, et ce, même si le Code électoral (ainsi que le loi organique) prévoit que c’est bien « le candidat » qui doit verser cette somme. La solution juridique n’est pas évidente.
Par ailleurs, la procédure pénale suit son cours, et l’on retrouve ici le problème déjà évoqué de la difficulté d’utiliser le droit pénal en matière électorale, comme le rappelle Jean-Christophe Ménard sur le site du Nouvel observateur dans une interview parue hier : on ne sait pas qui devait payer cette somme et si c’était à l’UMP de le faire, cela n’empêche pas que l’infraction pénale aurait été commise. Ce problème se combine à la nature juridique de la somme ainsi versée par Nicolas Sarkozy, alors que le don des personnes physiques est, on le sait ici, limité à 7500 euros.
L’affaire n’est donc pas terminée…
A suivre !
Romain Rambaud