Après la censure du paragraphe I de l’article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales qui permettait aux communes membres d’une intercommunalité de répartir les sièges des organes délibérants des intercommunalités autrement qu’en application d’une proportionnelle à la plus forte moyenne (Cons. const., 20 juin 2014, Commune de Salbris, n° 2014-405 QPC), le législateur a souhaité rétablir ces possibilités d’accords locaux (Proposition de loi autorisant l’accord local de répartition des sièges de conseiller communautaire, déposée au Sénat, par M. Alain RICHARD et M. Jean-Pierre SUEUR, le 24 juillet 2014).
En effet, il semblait opportun de redonner aux élus locaux la faculté de composer l’organe délibérant des communautés d’agglomération et des communautés de communes par accord entre les communes membres. Cependant, à la différence du texte censuré, qui ne fixait aucune limite aux écarts de représentation établis par ces accords locaux, la proposition sénatoriale établissait des limites chiffrées, compatibles avec la jurisprudence constitutionnelle en matière de représentation électorale.
C’est ainsi que le projet initial confirmait, tout d’abord, le principe en vertu duquel chaque commune disposerait d’au moins un siège. Ensuite, il prévoyait qu’aucune commune ne pourrait détenir plus de la moitié des sièges, ni que sa représentation puisse être supérieure de plus d’un siège par rapport à celle à laquelle elle aurait droit en application d’une répartition des sièges à la plus forte moyenne, ni qu’elle puisse voir sa proportion de sièges dans le conseil communautaire baisser de plus d’un cinquième, toujours par rapport à celle à laquelle elle aurait droit en application d’une répartition des sièges à la plus forte moyenne.
Un consensus s’est rapidement dégagé autour de ce texte, et il a été adopté, le 5 février 2015, après une seule lecture par l’Assemblée nationale et deux par le Sénat.
La discussion parlementaire a conduit à l’adoption de deux modifications significatives :
La première a pris la forme de précisions qui ont été apportées quant aux hypothèses dans lesquelles des écarts de représentation, supérieurs à 20% par rapport à la moyenne générale, pourraient être établis par des accords locaux. Seules deux hypothèses ont été retenues. Tout d’abord, celle dans laquelle cet écart, bien que supérieur à 20%, serait, pour autant, inférieur ou égal à celui qui résulterait d’une application automatique d’une répartition des sièges à la proportionnelle à la plus forte moyenne, et conduirait donc à réduire des écarts de représentation. Ensuite, s’agissant de la circonstance dans laquelle cet écart résulterait de l’attribution d’un siège supplémentaire à une commune, cette faculté a été circonscrite aux seules communes qui auraient droit à un siège dans le cadre d’une répartition des sièges à la proportionnelle à la plus forte moyenne.
La seconde a concerné l’extension de ce dispositif aux communautés urbaines et aux métropoles, par le biais d’une modification du VI de l’article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales.
L’adoption du texte a été suivie d’une saisine sénatoriale, saisine pour le moins originale car, cette dernière n’avait pas tant pour objectif la censure de la loi, que la prévention d’une future QPC à son sujet. On ne peut manquer de relever que cette saisine contenait une série d’arguments, non pas en faveur de l’inconstitutionnalité, mais de la conformité à la Constitution, du texte en question.
Le Conseil constitutionnel a comblé leurs vœux, et validé la faculté offerte aux élus communaux de répartir les sièges des conseils communautaires autrement qu’en application de la proportionnelle à la plus forte moyenne (Cons. const., 5 mars 2015, Loi autorisant l’accord local de répartition des sièges de conseiller communautaire, n° 2015-711 DC). Cette fois-ci, il n’a pas considéré que la disposition soumise à son examen permettait « qu’il soit dérogé au principe général de proportionnalité par rapport à la population de chaque commune membre de l’établissement public de coopération intercommunale dans une mesure qui est manifestement disproportionnée » (Cons. const., 20 juin 2014, Commune de Salbris, n° 2014-405 QPC, considérant 6).
La limitation des écarts de représentation à 20% par rapport à la moyenne générale, et l’encadrement strict des possibilités de dépassement de cet écart de représentation aux deux hypothèses précités a satisfait le juge constitutionnel. Ce dernier a donc délivré un brevet de constitutionnalité à ce texte, au prix d’une seule réserve d’interprétation.
Celle-ci concerne l’hypothèse dans laquelle un second siège serait attribué à une commune qui n’aurait droit qu’à un siège en application d’une répartition des sièges à la proportionnelle à la plus forte moyenne.
Le Haut conseil a admis cette dérogation qui permet de réduire les écarts de représentation entre les communes très peu peuplées, qui ont droit, automatiquement, à un siège, et des communes plus peuplées, et qui, elles, ont aussi droit à un siège, mais en application d’une répartition des sièges à la plus forte moyenne. Tout au plus le Conseil constitutionnel a t’il tenu à préciser que « l’attribution de ce second siège aux communes remplissant les conditions pour pouvoir en bénéficier ne saurait, sans méconnaître le principe d’égalité devant le suffrage, être réservée à certaines communes à l’exclusion d’autres communes dont la population serait égale ou supérieure » (Considérants 10 et 14).
Le nouvel article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales, permet donc aux élus locaux de retrouver une certaine marge de manœuvre dans la répartition des sièges au sein des intercommunalités, tout en respectant le principe d’une répartition de ces sièges sur des bases essentiellement démographiques.
Jean-Pierre Grandemange