Le spectacle offert par l’UMP depuis hier soir est stupéfiant. Les deux candidats revendiquent la victoire et la Commission de contrôle compte et recompte, tandis que chacun campe sur ses positions et que les déclarations contradictoires fusent en direct à la télévision. L’issue de ce mélodrame est pour le moment bien incertaine.
Dans tous les cas, ce conflit laissera de fortes traces et ne manquera pas de peser sur les axes et stratégies mises en oeuvre par ce parti dans les années à venir, qui devront être pour lui celles de la reconquête, passant d’abord par les élections municipales de 2014. Un chaos dont les dirigeants de ce parti auraient mieux fait de se passer : marque-t-il la future explosion de l’UMP en deux partis d’orientation politique différente ?
Ce n’est pourtant pas, loin de là, la première fois qu’on assiste à l’échec du processus de sélection du dirigeant d’un grand parti politique. Très près de nous, la nomination en cénacle d’Harlem Desir a été beaucoup critiquée. On se souvient encore, en 2008, les scandales associés à l’élection de Martine Aubry contre Ségolène Royal au PS. Les verts, aussi, avaient eu des problèmes similaires et avaient été obligés de recompter… La plupart des partis semblent donc affectés par ces problèmes, ce qui laisse à réfléchir.
Le conflit est d’autant plus dur que l’élection interne de l’UMP s’est déroulée dans l’obscurité la plus totale. Certes, on sait que les sondages, réalisés auprès de l’ensemble des sympathisants, donnaient François Fillon vainqueur, tandis qu’il se trouvait par ailleurs devant Jean-François Copé dans les baromètres de popularité.
Néanmoins, ces sondages étaient réalisés auprès des sympathisants UMP, ou de l’ensemble des français, mais non pas auprès des seuls adhérents UMP. De sorte que leur valeur réelle était très faible, même si le camp de l’ancien premier ministre ne manquait pas de s’en prévaloir. Aujourd’hui, le résultat est beaucoup plus serré que prévu, au point de déclencher cette guerre et les accusations de fraude. On pourrait même voir Jean-François Copé gagner finalement.
Du point de vue des sondages, on s’était trouvé dans une situation relativement comparable pour la primaire des verts avant l’élection présidentielle : alors que Nicolas Hulot était donné largement gagnant dans les sondages réalisés après de l’ensemble des français et des sympathisants, il avait finalement perdu très largement l’élection au profit d’Eva Joly, désignée par un corps électoral élargi mais qui s’était avéré finalement proche du coeur des militants des verts : ces sondages avaient conduit la Commission des sondages a adopter un communiqué, le 12 octobre 2006, mettant en garde contre ces sondages et exigeant le respect d’un principe de prudence dans l’interprétation des résultats. Il faut toujours se méfier des sondages réalisés auprès d’une population qui ne correspond pas au corps électoral.
D’ailleurs, la question se pose de savoir pourquoi des sondages n’ont pas été réalisés auprès des seuls militants : en réalité, c’est parce qu’il est interdit de communiquer les fichiers des adhérents de l’UMP aux instituts de sondages et à la presse, ces fichiers n’étant pas communicables. Selon la CNIL, le candidat peut y avoir accès, mais il doit s’engager à ne pas l’utiliser à d’autres fins que sa communication interne. En somme, il est interdit d’utiliser ces fichiers aux fins de réaliser des sondages. En l’état du droit, on ne peut donc pas avoir de sondages plus précis sur l’état de l’opinion à l’intérieur d’un parti : il y a là une limite importante à ce que peuvent faire les sondeurs.
Plus généralement, cette opacité au reste de l’opinion publique de l’organisation interne des partis conduit, notamment au regard des dérives successives qui semblent aujourd’hui les atteindre dans la sélection de leur chef, à s’interroger sur le statut du parti militant. Depuis l’organisation de primaires ouvertes, ce statut est en effet remis en question dans la pratique et dans la théorie : sur ce point, on peut renvoyer à l’intéressante analyse réalisée par Remi Lefevbre dans son ouvrage Les Primaires socialistes, la fin du parti militant.
Depuis quelques semaines, l’élection du chef de l’UMP n’a pas manqué de ressembler, à certaines égards, à une mini-primaire, même si ce n’était pas l’objet… et avec les dégâts que l’on voit. Il y a là des réflexions fondatrices qu’il s’agit de poursuivre.
L’ensemble de ces réflexions conduit en tout cas à s’interroger de nouveau sur le constat et la portée de la pénétration de l’opinion publique dans l’ensemble de la politique et, si on peut utiliser l’expression, du droit politique, dans le droit fil des réflexions relatives à l’attribution du temps de parole aux candidats en fonction de leur représentativité et donc, des sondages.
A suivre… ce soir ou demain !
Romain Rambaud