Depuis le 1er octobre 2020, l’Assemblée Nationale propose un système de pétition en ligne ouvert. C’est la « plateforme des pétitions ». Nous avons décidé d’utiliser cet outil afin de promouvoir une adaptation des modalités de vote pour les élections de mars 2021, alors que les pouvoirs publics ne semblent pas avoir pris de décision forte sur ce point. Cette inertie nous semble problématique et par cette pétition, nous appelons à ce que le Parlement vote et que soient mis en place pour mars 2021 des dispositifs tels que le vote anticipé et/ou le vote par correspondance par exemple. Vous pouvez soutenir cette pétition et vous en trouverez le texte reproduit ci-dessous. Une pétition équivalente a été envoyée au Sénat et est en cours de traitement.
Le 15 mars 2020, la crainte de l’épidémie de Covid-19 a entraîné une baisse de la participation aux élections municipales de 20 points. En 2014,la participation aux élections municipales était de 63,55 % au premier tour et de 62,13 % au second tour. En mars 2020, au premier tour la participation s’effondrait à 44,66 %. En juin 2020, du fait de la lassitude, du beau temps, et de la sociologie de la plupart des communes concernées, la situation était pire encore, la participation tombant à 41,86 %.
Si, sur le plan juridique, cette abstention ne remet pas en cause la sincérité des résultats des élections municipales sauf dans certains cas précis, lorsqu’il a été porté atteinte à la liberté du suffrage ou à l’égalité entre les candidats, cette situation est très insatisfaisante sur le plan politique et démocratique, d’autant que l’abstention liée à la Covid-19 ne frappe pas toutes les personnes de la même façon.
Il existe, sur ce point, un véritable risque démocratique pour les élections départementales et régionales de mars 2021. En effet, la crise de la Covid-19 n’est pas derrière nous et rien ne permet de penser que les élections du mois de mars prochain ne se dérouleront pas sous la menace de la Covid-19. En 2015, la participation aux élections régionales fut satisfaisante avec 49,91 % au premier tour et 58,41 % au second. Qu’en sera-t-il, quand même bien les élections départementales et régionales seront organisées en même temps, pour les prochaines élections de mars 2021 ?
En mars et juin 2020, la France a décidé de ne modifier qu’à la marge ses modalités de vote, autorisant deux procurations établies en France par personne. Cette solution de prudence était justifiée à l’époque au regard du principe de stabilité du droit électoral : quelques semaines avant l’élection, il aurait été trop risqué d’instaurer un vote par correspondance ou un vote anticipé, inexistants jusque là en France, en raison des risques de fraudes ou d’erreurs qui auraient affecté une élection déjà très contestée.
Cependant, de mars 2020 à mars 2021, il y avait un an pour anticiper les prochains scrutins locaux et, un an après encore, l’élection présidentielle. Mi-octobre, il reste encore 5 mois pour faire quelque chose. Si l’article L567-1 A du code électoral dispose aujourd’hui qu’ « il ne peut être procédé à une modification du régime électoral ou du périmètre des circonscriptions dans l’année qui précède le premier tour d’un scrutin », cette règle de valeur législative n’empêche pas qu’une autre loi intervienne et les instances internationales, qui produisent les standards internationaux dont cette règle s’inspire, sont très flexibles sur l’adaptation du droit électoral dans le contexte de la Covid-19.
Beaucoup de pays, dans le monde, ont adapté leurs modalités de vote pour surmonter sur le plan électoral la crise de la Covid-19. L’Allemagne et la Suisse, qui disposaient déjà d’un vote par correspondance, l’ont utilisé en mars 2020 avec succès. La Corée du Sud, en avril 2020, a organisé un vote anticipé ayant permis à un quart du corps électoral de voter en avance et, à l’entrée des bureaux de vote, prenait la température des citoyens avant qu’ils aillent voter et les orientaient, en cas de température haute, vers un isoloir spécifique. Le vote par correspondance et/ou le vote anticipé ont également été utilisés aux Etats-Unis, en Pologne, en Australie, etc. Beaucoup de pays ont donc déjà agi, permettant à la participation de se maintenir à un niveau satisfaisant.
En France, à ce stade, il semble que les pouvoirs publics n’aient pas décidé d’anticiper le problème et de changer les modalités de vote, sauf peut-être en reprenant les dispositions existantes en matière de procuration. Cette situation n’est pas acceptable car elle porte atteinte à l’expression du suffrage. Quant aux risques de fraudes, s’il existent, on peut penser que leur impact sera limité dans le cadre d’élections départementales et régionales qui les rendent difficiles et peu profitables ; par ailleurs, le droit pénal et le droit électoral savent gérer ces difficultés depuis très longtemps. Si ce risque ne peut pas être écarté, le bilan coûts potentiels / avantages reste clairement en faveur de l’adaptation des modalités de vote.
C’est la raison pour laquelle, par la présente pétition, nous demandons à l’Assemblée Nationale (et au Parlement) de bien vouloir inscrire rapidement dans le droit français en vue de son utilisation en mars 2021 d’un ou de plusieurs des dispositifs suivants :
- Vote par correspondance en s’inspirant des modèles étrangers. Sur ce point il suffirait pour la France de prendre appui sur sa propagande officielle pour faciliter le processus sur le plan administratif et diminuer les coûts.
- Vote anticipé permettant de lisser dans le temps la participation au vote
- Vote physique facilité par l’adjonction à la propagande officielle d’une enveloppe de couleur différente permettant le vote sans attente et sans passage obligatoire par l’isoloir
- A défaut, prise de température à l’entrée du bureau de vote
Ces mesures permettraient de créer un choc de confiance lors des prochaines élections départementales et régionales de mars 2021, nécessaire pour ne pas accroitre la crise de la démocratie représentative. Par ailleurs, ces élections pourraient servir de test pour la prochaine élection présidentielle.
Pour information, cette pétition est déposée par Romain Rambaud, professeur de droit public à l’Université Grenoble-Alpes spécialiste du droit électoral, au nom du « blog du droit électoral », blog spécialisé dans le suivi de l’actualité du droit électoral.
Romain Rambaud