Dissolution de l’Assemblée Nationale et report des élections municipales : cette hypothèse a-t-elle vraiment un sens ? [R. Rambaud]

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On s’interroge parfois sur un éventuel report des élections municipales au regard des événements politiques actuels. Mais cette question a-t-elle vraiment un sens ?

Pour l’hypothèse d’une démission du Président de la République et de l’organisation d’une présidentielle anticipée, sans doute.

En effet, il est de coutume de reporter les élections municipales et plus largement locales lorsque celles-ci tombent une année d’élection présidentielle : c’est ainsi que les élections municipales de 2007 ont été reportée à 2008 par exemple (Loi n° 2005-1563 du 15 décembre 2005 prorogeant la durée du mandat des conseillers municipaux et des conseillers généraux renouvelables en 2007). De la même manière, les élections départementales et régionales qui auraient normalement dû se dérouler en 2027 ont d’ores et déjà été reportées en 2028 par la loi n° 2021-191 du 22 février 2021 portant report, de mars à juin 2021, du renouvellement général des conseils départementaux, des conseils régionaux et des assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique. Ce sera aussi probablement le cas au demeurant des élections municipales en 2032 si l’élection présidentielle a lieu comme prévu en 2027… les élections municipales seront probablement reportées en 2033, pour ne pas gêner les élections présidentielles de 2032.

Dans cette hypothèse, il convient d’adopter une loi, car la loi prévoit que les élections municipales ont lieu en mars et que le mandat des conseillers municipaux dure 6 ans (article L. 227 du code électoral). Le Conseil constitutionnel n’exerce qu’un contrôle restreint sur ces lois, se contentant d’un intérêt général et de vérifier que la périodicité du suffrage n’est pas méconnue : de ce point de vue un report des élections municipales de quelques mois, d’un an, ne serait pas problématique. Même si ce n’est pas la pratique en période de temps calme, il semble possible juridiquement que le Parlement adopte en urgence une loi de report alors qu’une élection présidentielle va être organisée, pendant que le Président du Sénat assure l’intérim.

Car en effet, encore faut-il pouvoir adopter une loi pour reporter les élections municipales et c’est là que le bât blesse, pour ce qui concerne la dissolution de l’article 12 de la Constitution ! Par définition en effet, si l’Assemblée Nationale est dissoute, il ne sera plus possible d’adopter une loi d’abord, et ensuite, une fois l’Assemblée Nationale reconstituée, il n’y aura plus de raison de reporter les élections municipales, puisque les élections législatives auront déjà eu lieu…

Il est d’ailleurs douteux que l’on puisse estimer que dans ce cas de figure la théorie des circonstances exceptionnelles pourrait jouer, comme ce fut le cas pour le report du 1er tour de l’élection municipale de 2020 par le décret du 17 mars 2020, qui fut adopté avant la loi du loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19…

Il n’est donc pas certain que le droit fiction soit parfaitement pertinent en l’espèce.

Bon week-end !

Romain Rambaud