Lutte contre les ingérences étrangères : le répertoire relatif à la transparence des actions d’influence étrangère, auprès de la HATVP, entre en vigueur ! [R. Rambaud]

La loi n° 2024-850 du 25 juillet 2024 visant à prévenir les ingérences étrangères en France, secondarisée à l’époque par le séisme de la dissolution du 9 juin 2024 (on notera qu’il ne put y avoir d’ailleurs de saisine du Conseil constitutionnel sur cette loi à cause de cela : v. les décisions n° 2024-870 DC du 10 juillet 2024 et n° 2024-871 DC du 24 juillet 2024), met en place plusieurs mesures face à l’intensification des ingérences étrangères (cyberattaques, fausses informations…) dont la France, comme d’autres pays, est la cible aujourd’hui.

Suite à l’adoption du décret n° 2025-733 du 31 juillet 2025 relatif à la transparence des activités d’influence réalisées pour le compte d’un mandant étranger, outre les dispositifs généraux prévus par la loi, un dispositif est entré en vigeur le 1er octobre qui peut concerner le droit électoral car il vise aussi des candidats à certaines élections et des dirigeants de partis politiques : le répertoire relatif à la transparence des actions d’influence étrangère, tenu par la HATVP.

Dispositions générales de la loi

La loi est inspirée de deux rapports parlementaires de 2023 de la délégation parlementaire au renseignement (DPR) et d’une commission d’enquête de l’Assemblée nationale. Ces rapports ont souligné les fragilités de la France en matière d’ingérences étrangères. Ces menaces, qui proviennent principalement de Russie, de Chine, de Turquie et d’Iran, se situent désormais à un niveau élevé dans un contexte de nouvelle « ère froide ». Elles sont facilitées par les outils numériques (espace cyber). Un rapport sénatorial de juillet 2024 a confirmé la menace.

La loi autorise ainsi, à titre expérimental jusqu’au 30 juin 2028, les services de renseignement à utiliser la technique algorithmique pour détecter des connexions susceptibles de révéler des ingérences étrangères ou des menaces pour la défense nationale (par exemple des cyberattaques). L’usage de cette technique était jusque là uniquement permis pour détecter des menaces terroristes à titre pérenne depuis la loi du 30 juillet 2021 relative à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement.

La procédure de gel des avoirs financiers, autorisée en matière de terrorisme, est étendue aux affaires d’ingérences étrangères.

Une nouvelle circonstance aggravante est créée dans le code pénal lorsqu’une atteinte aux biens ou aux personnes est commise pour le compte d’une puissance ou d’une entité étrangère ou sous contrôle étranger.

La loi prévoit enfin la remise par le gouvernement, avant le 1er juillet 2025, puis tous les deux ans, d’un rapport au Parlement sur l’état des menaces pesant sur la sécurité nationale, notamment en matière d’ingérences étrangères. Ce rapport pourra faire l’objet d’un débat au Parlement.

Dispositions intéressant le droit électoral / les candidats / les élus : le registre de l’influence étrangère auprès de candidats et d’élus tenu par la HATVP

La loi prévoit par ailleurs des dispositifs intéressants directement le droit électoral / les candidats / les élus : la mise en place auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) d’un registre numérique des activités d’influence étrangère, distinct du registre sur les représentants d’intérêts (lobbies) créé par la loi dite « Sapin 2 » de 2016.

Toute personne physique ou morale, peu importe sa nationalité, qui promeut les intérêts d’une puissance étrangère auprès des pouvoirs publics français ou du grand public, sera soumise à une obligation déclarative, sauf personnel diplomatique et consulaire en poste en France et les fonctionnaires des États étrangers. Ce registre recensera, après déclaration auprès de la Haute autorité, les activités des personnes agissant pour le compte d’un « mandant étranger » : puissances ou entités étrangères ou partis ou groupes politiques étrangers hors Union européenne.

Ces activités devront avoir pour but d’influer sur la décision publique (notamment la fabrique de la loi) ou sur la conduite des politiques publiques, y compris sur la politique européenne ou étrangère de la France. Elles pourront consister à :

– entrer en communication avec des élus ou décideurs publics, y compris des candidats déclarés à une élection nationale ou aux Européennes, dirigeant d’un parti politique, ministres, conseillers ministériels ou du chef de l’État, parlementaires, exécutifs régionaux et départementaux, maires des communes de plus de 20 000 habitants, anciens présidents de la République ou ministres pendant cinq ans après la fin de leurs fonctions…)
-ou/et réaliser des actions de communication ;
-ou/et collecter de l’argent ou en verser sans contrepartie.

Les entités ou partis politiques étrangers [nous soulignons] qui agissent afin de promouvoir leurs intérêts ou ceux d’un État étranger devront aussi déclarer leurs activités.

Le texte a été complété pour imposer aux laboratoires d’idées (think tanks) et aux instituts de déclarer auprès de la HATVP les dons et versements étrangers (hors UE). Le contrôle sur la reconversion professionnelle dans le privé des anciens ministres, exécutifs locaux et membres d’une autorité indépendante est renforcé. Ce contrôle, réalisé actuellement par la HATVP en matière de conflits d’intérêts, est étendu aux risques d’influence étrangère et ce sur cinq ans.

Les personnes qui refuseraient de transmettre à la HATVP des informations (sur leur identité, leurs actions d’influence, les personnes approchées…) risqueront trois ans de prison et 45 000 euros d’amende. Les peines prévues pour les personnes morales sont plus lourdes : 225 000 euros d’amende, interdiction de percevoir une aide publique…

Ce dispositif devait initialement entrer en vigueur le 1er juillet 2025 au plus tard. Mais le décret d’application ne fut pris que le 31 juillet 2025, via le décret n° 2025-733 du 31 juillet 2025 relatif à la transparence des activités d’influence réalisées pour le compte d’un mandant étranger. Celui-ci permit finalement l’entrée en vigueur du dispositif le 1er octobre 2025.

En effet, hier 1er octobre 2025, comme l’a annoncé la HATVP, le répertoire relatif à la transparence des actions d’influence étrangère, dont la gestion a été confiée à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique par la loi du 25 juillet 2024, a été créé.

Ce répertoire dédié recensera les personnes agissant pour le compte d’un mandant étranger (c’est-à-dire une puissance hors Union européenne, une entreprise qu’elle contrôle ou finance majoritairement, ou encore un parti politique étranger non européen) qui auront l’obligation de s’y inscrire. Ces mêmes personnes devront ensuite, à partir de janvier 2026, y déclarer les actions qu’elles auront entreprises en direction des responsables publics ou de l’opinion publique pour influer ou tenter d’influer sur une décision publique ou la conduite d’une politique publique.

À compter de ce 1er octobre, le téléservice permettant aux personnes concernées de s’inscrire sur le répertoire est accessible en ligne, conformément au décret d’application du 31 juillet 2025. Les personnes concernées disposent de 15 jours ouvrés, à compter de la date à laquelle les conditions d’inscription sont remplies, pour y procéder.

Les données du répertoire ayant vocation à être rendues publiques seront mises à la disposition des citoyens prochainement sur le site de la HATVP. La campagne de déclaration des actions d’influence étrangère et des moyens afférents s’ouvrira dans un second temps, à compter de janvier 2026. Ces données seront également rendues publiques.

La Haute Autorité met à disposition des déclarants un dispositif d’assistance, afin de les accompagner dans cette nouvelle démarche :

Courriel : influence.etrangere@hatvp.fr
Téléphone : 01 86 21 92 29 (du lundi au vendredi, de 9h à 13h)
FAQ en ligne : https://www.hatvp.fr/espacedeclarant/influence-etrangere/

Conclusion : la lumière et l’ombre

Bien entendu, on peut douter que les ingérences étrangères les plus dangereuses se fassent dans la lumière. Il n’en demeure pas moins que, pour une partie du phénomène de l’influence étrangère, l’explicitation des liens d’intérêts ne pourra constituer une mauvaise nouvelle et que l’on pourra bientôt établir une cartographie officielle des réseaux d’influence étrangère en France. Aurons-nous des surprises ?

Romain Rambaud