Contrairement à ce qui avait été initialement indiqué par le Gouvernement, la réforme de la loi Paris Lyon Marseille se sera finalement faite sans un consensus au Parlement et malgré le désaccord du Sénat. En effet, la proposition de loi visant à réformer le mode d’élection des membres du Conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et Marseille, dont a déjà parlé sur le fond sur le présent blog, déposée à l’Assemblée Nationale le mardi 15 octobre 2024, avait été adoptée à l’Assemblée Nationale mais rejetée au Sénat le 9 avril 2025. Une CMP s’était ensuite réunie mais, le 24 juin 2025, la CMP avait pris acte du fait qu’elle n’était pas conclusive. Le texte a ensuite été de nouveau adopté à l’Assemblée Nationale le 2 juillet puis rejeté par le Sénat le 9 juillet.
Le rapport du Sénat en deuxième lecture fait ainsi état d’une proposition massivement rejetée en première lecture (rejet à l’unanimité par la commission des lois, 218 voix contre et 97 voix pour en séance). Il estime ainsi que » Les travaux menés par la rapporteure ainsi que le dialogue conduit avec les élus locaux concernés par la proposition de réforme avaient en effet mis en lumière les nombreuses difficultés que présentait le texte, tant constitutionnelles que pratiques ou financières, ainsi que les lourdes carences du dispositif proposé. Limité à la seule question du mode de scrutin, il n’abordait pas le sujet pourtant fondamental des compétences ». Le texte est qualifié de « mal préparé », posant des problèmes constitutionnels en raison de la prime majoritaire de 25 % et non de 50 % comme dans les autres communes, les difficultés pratiques de mise en oeuvre de la réforme (on pense en particulier à Lyon) ou encore son caractère tardif alors que les principales règles électorales vont commencer à s’appliquer dès le 1er septembre prochain. Le rapport note aussi que « La réforme irait ensuite à l’encontre de la volonté des électeurs, attachés à l’échelon de proximité, puisque la dissociation des mandats de conseiller municipal et de conseiller d’arrondissement pourrait conduire à une absence totale de représentation de certains arrondissements au conseil central ». Ce rapport soulignait enfin que le Gouvernement manquait à sa parole puisqu’il s’était engagé à ne pas passer outre la volonté du Sénat, Haut Conseil des communes de France.
Finalement, il a été décide de faire adopter cette loi en lecture définitive à l’Assemblée Nationale. En France cela est tout à fait possible pour les élections locales. En effet, c’est une conséquence de la non-constitutionnalisation des modes de scrutin, les scrutins locaux relevant du domaine de la loi en vertu de l’article 34 de la Constitution : il est donc possible d’avoir recours à tous les instruments du parlementarisme rationalisé, y compris la lecture défintive à l’Assemblée Nationale, comme ce fut le cas par exemple en 1985 avec l’instauration de la proportionnelle, pour prendre un autre sujet… (du 10 juillet 1985 modifiant le code électoral et relative à l’élection des députés). La loi a donc été adoptée en séance le 10 juillet 2025, dans l’état du texte adopté en nouvelle lecture à l’Assemblée Nationale le 7 juillet 2025.
Ce texte change complètement le système applicable, y compris à Lyon où il y aura désormais trois élections, deux pour la ville et une pour la métropole (alors que la question de l’exception de Lyon de la réforme avait été proposée par les sénateurs).
L’article 1er de la loi modifie les règles électorales applicables lors des élections municipales de Paris, Lyon et Marseille. Il instaure deux scrutins de liste distincts et simultanés : le premier pour élire les membres du Conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et de Marseille – pour lequel il fixe la prime majoritaire appliquée lors de ces élections à un taux de 25 % – et le second pour élire les conseils d’arrondissement de ces trois mêmes villes. L’article 1er bis prévoit l’élection des conseillers communutaires à partir des listes déposées pour l’élection des membres du Conseil de Paris ou du conseil municipal de Marseille, comme cela est le cas dans l’ensemble des autres grandes villes de France (hors communes de moins de 1000 habitants).
L’article 2 supprime l’actuelle répartition du nombre de conseillers de Paris et de conseillers municipaux de Lyon et Marseille par secteur, qui figure aux tableaux nos 2, 3 et 4 annexés au code électoral. Il réécrit ces tableaux afin qu’ils précisent désormais le nombre de sièges à attribuer dans chacun des conseils d’arrondissement de ces trois villes, en tenant compte des évolutions démographiques.
L’article 4 prévoit l’entrée en vigueur des dispositions de la proposition de loi à compter du prochain renouvellement général des conseils municipaux, c’est-à-dire à l’occasion des élections municipales organisées en mars 2026.
Sans doute ce dispositif fera-t-il l’objet d’une saisine du Conseil constitutionnel. La censure est-elle encourue ? Cela n’a rien de certain. Concernant la date d’entrée en vigueur du texte, le Conseil constitutionnel a rappelé dans sa décision relative à la réforme du mode de scrutin dans les communes de moins de 1000 habitants commentée sur le présent blog (décisions n° 2025-882 DC du 15 mai 2025 et n° 2025-883 DC du 15 mai 2025) que « Ni les exigences découlant de l’article 16 de la Déclaration de 1789 ni aucune autre exigence constitutionnelle n’interdisent au législateur de procéder à une modification du régime électoral des membres des conseils municipaux dans l’année qui précède la date de leur renouvellement général » et ainsi que « le grief tiré de la méconnaissance de l’article 16 de la Déclaration de 1789 doit être écarté », sachant que le principe de stabilité du droit électoral (Article L567-1 A du code électoral) n’a pas valeur supra-législative. Concernant la prime de 25 % au lieu de 50 %, il est vrai que la règle serait différente que dans les autres communes, mais le Conseil constitutionnel a déjà reconnu la différence de situation entre Paris, Marseille, Lyon et les autres communes (Décision n° 82-149 DC du 28 décembre 1982 | Conseil constitutionnel) et cela pourrait être justifié par le principe constitutionnel de pluralisme prévu par l’article 4 de la Constitution… Concernant le principe d’égalité ; sauf peut-être si on devait poser la question pour Toulouse, qui devient progressivement la troisième ville de France.
En revanche, avec cette réforme, la « clarté du débat électoral », autre principe constitutionnel (Décision n° 2018-773 DC du 20 décembre 2018), y gagnera sans doute ; sauf peut-être à Lyon, pour laquelle la question de l’intelligibilité sera sans doute posée. De là à dire que les électeurs n’y comprendront rien, c’est une mauvaise habitude française que de sous-estimer l’intelligence de ces derniers.
Romain Rambaud
