Le droit électoral – droit le plus classique de la démocratie représentative – et le droit de la démocratie participative – droit plus émergent dont la judiciarisation est en voie d’accélération, se rencontrent parfois.
C’est notamment le cas pour la Commission Nationale du Débat Public (CNDP), qui vient d’adopter une décision n° 2025/47/PERIODE DE RESERVE ELECTORALE/1 du 5 mars 2025 relative au droit à l’information et à la participation du public en période électorale et préélectorale, en vue des prochaines élections municipales. Une décision du même type, moins complète, avait déjà été adoptée par exemple pour les élections départementales et régionales de 2021.
D’après cette décision, les dispositions de l’article L. 121-1 et s. du Code de l’environnement n’apportent pas de précisions sur leur application en période électorale. Cependant la CNDP a décidé d’adopter un « document de positionnement « Droit à l’information et à la participation en période électorale et préélectorale » détaillant les mesures d’adaptation de l’activité de la CNDP en période de réserve électorale et préélectorale ». Ce document concerne les débats publics et les concertations menés en application des articles L. 212-1 et s. du Code de l’environnement spécifiquement.
D’après la CNDP,
– dans les six mois précédant une élection (période de campagne préélectorale), il est souhaitable que les candidates et candidats aux élections ne prennent pas la parole dans les réunions publiques dans le cadre des débats publics et concertations ;
– pendant la période de campagne électorale, généralement 15 jours avant le scrutin, il est recommandé de ne plus organiser de rencontres publiques ; s’il n’est pas formellement interdit d’organiser des réunions publiques, une prudence accrue est souhaitable durant cette période où la communication d’informations pourrait avoir une incidence sur le vote des électeurs et des électrices ; la proximité entre réunions publiques organisées dans le cadre de la CNDP et réunions électorales n’est pas souhaitable ;
– pendant la période de réserve imposée aux agents publics de l’Etat par circulaire ou instruction du ministère de l’intérieur, il est souhaitable de suspendre les évènements du débat public ou de la concertation si l’Etat est maître d’ouvrage ou responsable du plan ou programme soumis à la participation dans la mesure où il lui sera alors impossible de répondre aux questions et arguments du public ;
– le calendrier prévisionnel des concertations et débats publics sous maitrise d’ouvrage de l’Etat doit éviter que la publication des enseignements du débat public ou de la concertation par l’Etat, maître d’ouvrage du projet ou responsable du plan et programme, intervienne pendant la période de campagne électorale ;
– le calendrier prévisionnel des concertations et débats publics doit éviter que la réponse du maître d’ouvrage du projet ou du responsable du plan ou du programme intervienne pendant la période de campagne électorale s’il s’agit d’une collectivité soumise à renouvellement électoral ou plus exceptionnellement d’un candidat ou d’une candidate à l’élection ;
– si par exception, une réunion devait être organisée en période électorale, il est nécessaire de faire signer aux intervenantes et intervenants dans les réunions publiques organisées par la CNDP un document les engageant à s’abstenir de toute polémique électorale dans le cadre de ces réunions, rappelant que celles-ci ne peuvent servir à la campagne électorale ;
– au-delà de ces principes applicables aux procédures de la Commission nationale du débat public, plusieurs dispositions du code électoral sont applicables aux garantes et garants, ainsi qu’aux membres des commissions particulières de débat public. S’ils sont candidats à des élections, ils doivent se déporter ou suspendre leurs fonctions si leur candidature risque d’entrer en conflit avec la mission exercée au nom de la CNDP. La charte de déontologie des garantes et garants, ainsi que des membres de Cpdp sera complétée d’une obligation de réserve pendant la campagne électorale, c’est-à-dire une obligation de neutralité imposant de ne pas prendre part de quelque façon que ce soit aux débats électoraux ;
Ce document de positionnement a donc pour objectif de restreindre les possibilités de communication dans le cadre des débats publics et des concertations engagés sous l’égide de la CNDP. Ce positionnement de la CNDP est pour l’heure plus restrictif que la jurisprudence classique du juge électoral, qui n’empêche pas les activités classiques de se poursuivre sous réserve du respect des principes d’antériorité, régularité, identité, neutralité et sobriété. Par ailleurs, le fait qu’une procédure de ce type se tienne en période électorale n’est pas de nature à l’entacher d’irrégularité.
Ainsi, par exemple, dans un arrêt du Conseil d’Etat du 13 juillet 2011 (n°333718), ce dernier a jugé, concernant un projet soumis au code de l’environnement, que « le fait que l’enquête publique se soit déroulée pendant les vacances scolaires et au cours d’une période précédent un scrutin électoral n’est pas, en lui-même, de nature à entacher d’irrégularité la procédure ».
De manière plus générale, en matière d’ubanisme, la jurisprudence montre qu’il est tout à fait possible de continuer les procédures en respectant les principes précités (CE, 27 mai 2015, n°385518, concl. Mme Aurélie BRETONNEAU ; CE, 16 janvier 2015, n°382136 ; CE, 2 février 2022, n°451371 ; CE, 29 décembre 2020, n° 441808 ; CE, 8 février 2002, n°236110 ; Cons. const., décision n° 97-2173/2207 AN du 9 janvier 1998, A.N., Val-de-Marne (8ème circ.) ; etc.).
Si « prudence est mère de sureté », on notera cependant ici que le nombre d’élections se multipliant, la jurisprudence plus mesurée du juge électoral forgée par l’expérience n’est pas moins sage que la position de la CNDP… au risque sinon que la démocratie participative ne se fasse phagocytée par les élections, ce dont au demeurant elle n’a guère besoin…
Romain Rambaud
