Comme prévu aura lieu aujourd’hui lundi en fin de journée à l’Assemblée Nationale et demain au Sénat deux débats fondés sur l’article 50-1 de la Constitution, suivi de votes. L’article 50-1 de la Constitution dispose que « Devant l’une ou l’autre des assemblées, le Gouvernement peut, de sa propre initiative ou à la demande d’un groupe parlementaire au sens de l’article 51-1, faire, sur un sujet déterminé, une déclaration qui donne lieu à débat et peut, s’il le décide, faire l’objet d’un vote sans engager sa responsabilité ». Cette consultation est une bonne chose, on l’a dit, au regard des standards internationaux de consultation des parties prenantes et de recherche du consensus politique.
Comme l’indique la presse ce matin, l’hypothèse d’un report des élections à l’automne, qui aurait supposé l’adoption d’une nouvelle loi, a été écartée suite à la consultation des maires opérée ce week-end et à la levée de boucliers vis-à-vis de cette option, accusée de relever de la tentative de manipulation. Comme nous l’avons indiqué dans notre précédent article du blog du droit électoral et dans une interview au Figaro, le report des élections à l’automne ne nous paraissait pas impossible sur le plan constitutionnel, sous réserve dans l’hypothèse d’un passage en force d’une évolution de la jurisprudence du Conseil constitutionnel visant à sanctionner une manœuvre et/ou la violation du consensus politique, mais totalement désastreux sur le plan parlementaire et politique en raison de la violation du standard du consensus politique. Il est donc sage que le Gouvernement n’ait pas choisi cette option, permettant à la France de ne pas sortir des clous démocratiques.
Il semble en revanche que le Premier ministre va annoncer le report d’une semaine des élections départements et régionales.
Sur le plan du droit, comme nous l’indiquions déjà dans notre article précédent, cela est tout à fait possible. Ce n’est pas juridiquement critiquable car cela relève des prérogatives traditionnelles du Gouvernement en France (on pourrait le discuter mais c’est un autre sujet).
La loi n° 2021-191 du 22 février 2021 portant report, de mars à juin 2021, du renouvellement général des conseils départementaux, des conseils régionaux et des assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique prévoit que « I. – Compte tenu des risques sanitaires liés à l’épidémie de covid-19, les premier et second tours du prochain renouvellement général des conseils départementaux, des conseils régionaux, de l’Assemblée de Corse et des assemblées de Guyane et de Martinique ont lieu en juin 2021. Les mandats en cours sont prolongés en conséquence ». Cela laisse donc la possibilité au Gouvernement de modifier le décret de convocation tant que l’on reste au mois de juin.
Il faudra ainsi modifier le décret n° 2021-251 du 5 mars 2021 portant convocation des collèges électoraux pour procéder à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers régionaux, des conseillers à l’Assemblée de Corse, des conseillers à l’assemblée de Guyane et des conseillers à l’assemblée de Martinique. Les élections n’auraient plus lieu les 13 et 20 juin mais les 20 et 27 juin.
Il faut noter que l’article L. 357 du code électoral prévoit que « Les collèges électoraux sont convoqués par décret publié au moins six semaines avant la date du scrutin ». Nous sommes encore dans ce délai de six semaines permettant l’adaptation de décret de convocation, puisque les élections sont à ce stade prévues dans huit semaines. Il reste donc deux semaines pour l’adopter afin de ne pas dédire le premier décret.
Un recours en urgence pourrait être enclenché contre ce décret de convocation, mais il est probable qu’il ne pourrait pas prospérer. En effet, ce décret applique la loi et un tel report ne comporterait en lui-même pas de problématique particulière, dans la mesure où il existe bien, contrairement à ce que certains ont soutenu, un intérêt général s’attachant à la protection de la santé et à la liberté de faire campagne. Des précédents ont existé devant le Conseil d’Etat concernant le second tour des élections municipales, la haute juridiction ayant au passage rejeté les griefs tirés de la potentielle abstention (CE, Juge des référés, 08/06/2020, n°440900 ; CE, 11/06/2020, n°441047). On peut ainsi penser que l’argument critiquant le risque que ce report puisse faire augmenter l’abstention aurait du mal à être retenu par le juge, qui a tendance à le neutraliser, a fortiori au regard de l’intérêt général de protection de la santé et de liberté de faire campagne qui s’attacherait possiblement à un report d’une semaine. On pourrait le regretter sur le plan politique mais sur le plan juridique un tel argument devrait être inopérant.
Sur le plan de la santé publique, cette solution peut être bonne si elle s’accompagne d’un progrès de la campagne de vaccination et plus précisément d’une amélioration des modalités de tenue des bureaux de vote. Les annonces sur ce point sont à suivre cet après-midi.
Sur le plan de la campagne électorale, elle permettra de disposer de plus de temps pour faire campagne dans des conditions satisfaisantes, ce qui est positif sur le plan du principe de liberté et du principe d’égalité entre les candidats. Toute semaine gagnée de ce point de vue est une bonne nouvelle, la campagne n’ayant pas vraiment démarré.
Si l’on peut évidemment, comme on l’a fait de nombreuses fois sur ce blog et en dernière analyse dans un article analysant la légitimité des élections en période d’épidémie publié dans The Conversation, regretter que la France ne se soit pas adaptée à la pandémie du point de vue du droit électoral, ce qui encore une fois nous a enfermé dans la logique mortifère du report, il n’y a pas lieu de critiquer spécialement cette idée de reporter les élections départementales et régionales d’une semaine.
L’important est que les choses soient maintenant stabilisées et que l’on puisse enfin envisager cette campagne électorale dans des conditions de sécurité juridique satisfaisantes.
Romain Rambaud