La nouvelle vient de tomber sur le site du Monde : l’élection de Dominique Reynié au conseil régional de Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées vient d’être annulée par le Conseil d’Etat, dans une décision du 27 mai 2016 qui vient d’être publiée sur son site internet. Cette décision vient confirmer les doutes qui avaient pu être émis sur son éligibilité que nous avions relayés sur notre blog dans un article précédent. Le Conseil d’Etat a tranché dans le sens des textes et dans le sens de la sévérité et du même coup a clarifié les conditions d’éligibilité aux élections régionales.
L’éligibilité de Dominique Reynié mise en cause
Comme l’avait relayé France 3, le coup est parti d’une lettre rédigée par le sénateur de l’Hérault, Jean-Pierre Grand, et publiée par France 3 Midi-Pyrénées, dans laquelle le parlementaire républicain, fâché de son parachutage et de sa campagne électorale, avait mis en doute l’éligibilité de Dominique Reynié. Le politologue avait réagi sous la forme d’un communiqué de presse et avait transmis à France 3 des pièces justificatives, mais cet effort de transparence s’est retourné contre l’ancienne tête de liste régionale : les documents consultés ne lèveraient absolument pas le doute sur l’éligibilité de Dominique Reynié. Au contraire, ils renforceraient l’idée d’un véritable risque juridique.
Alors que M. Reynié prétendait être locataire depuis toujours d’un appartement à Onet-le-Château, il louait une chambre individuelle au domicile de sa mère depuis… le 1er mars 2015. Cela posait un problème dans la mesure où le bail de Dominique Reynié a été signé postérieurement à la date limite d’inscription sur les fichiers fiscaux, ne permettant pas, ainsi, de caractériser une attache fiscale dans le département ce qui pourrait poser problème du point de vue de son éligibilité. Par ailleurs Dominique Reynié aurait eu bien du mal à prouver que son domicile effectif fut dans le sud-ouest… Cependant, il a voté aux départementales de 2015 sur la commune d’Onet le Château : il disposait d’une carte électorale dans cette commune dans laquelle il semble être inscrit pour exercer son droit de vote….
La décision du Conseil d’Etat
Le Conseil d’État avait été saisi de deux contestations. La première était dirigée contre la seule élection de M. Reynié. La seconde contre l’ensemble des opérations électorales.
Concernant la première requête, le Conseil d’Etat a dans un premier temps été obligé d’écarter un grief tiré de l’irrecevabilité de la demande soulevé par M. Reynié en tant que cette requête visait à ne déclarer inéligible qu’un seul candidat et non à faire annuler l’ensemble des élections. Le juge a estimé logiquement que l’article L. 361 du code électoral disposant que « La constatation par le Conseil d’Etat de l’inéligibilité d’un ou plusieurs candidats n’entraîne l’annulation de l’élection que du ou des élus inéligibles. Le Conseil d’Etat proclame en conséquence l’élection du ou des suivants de liste », le juge de l’élection pouvait être valablement saisi par une protestation ne mettant en cause que l’éligibilité d’un candidat.
Sur le fond, le Conseil d’État a fait droit à la requête et a annulé l’élection de M. Reynié. Il a jugé que M. Reynié ne remplissait pas les conditions prévues par le code électoral pour être éligible comme conseiller régional.
Ce faisant, il a fait une application rigoureuse de l’article L. 339 du code électoral, qui dispose « sont éligibles au conseil régional tous les citoyens inscrits sur une liste électorale ou justifiant qu’ils devaient y être inscrits avant le jour de l’élection, qui sont domiciliés dans la région ou ceux qui, sans y être domiciliés, y sont inscrits au rôle d’une des contributions directes au 1Er janvier de l’année dans laquelle se fait l’élection, ou justifient qu’ils devraient y être inscrits à ce jour ». Il a considéré que ces conditions étaient bien cumulatives, considérant donc qu’il faut être inscrit sur une liste électorale (en général) et justifier d’un rattachement suffisant avec la collectivité, qui peut être soit la domiciliation effective soit le paiement des impôts. Il a ainsi mis définitivement fin à un (léger) doute que l’on pouvait avoir concernant les critères de l’article L. 339 du code électoral.
En l’espèce, si M. Reynié était bien inscrit sur les listes électorales, il n’alléguait pas qu’il était, ou aurait dû être, inscrit dans la région comme contribuable d’un impôt direct. Il ne pouvait donc être éligible qu’à la condition d’être domicilié dans la région or les pièces ne relevaient pas une installation effective, le juge se basant sur la définition de domicile au sens de l’article 102 du code civil, aux termes duquel: « Le domicile de tout Français, quant à l’exercice de ses droits civils, est au lieu où il a son principal établissement.(…) », la condition de domicile étant bien sûr appréciée au jour de l’élection. Le Conseil d’État a relevé que l’installation du candidat à Onet-le-Château était récente et dans des conditions relativement sommaires, que le lieu d’exercice de son activité professionnelle était toujours à Paris et à Villejuif, qui était également le lieu d’activité de sa femme et que ses attaches familiales étaient en région parisienne, où il dispose d’un logement familial. Son principal établissement n’était donc pas à Onet-le-Château !
Au vu de ces éléments, le Conseil d’État a donc jugé que le candidat était inéligible au conseil régional. Le Conseil d’État a annulé l’élection de M. Reynié ; il en a tiré les conséquences en proclamant élu M. Saint-Pierre, premier candidat non-élu de la liste à relever de la même section départementale.
Le Conseil d’État a, en revanche, rejeté la seconde contestation, qui visait l’ensemble des opérations électorales et qui soulevait des questions de manoeuvre et de répartition entre les listes départementales finalement non considérées comme pertinente par le Conseil d’Etat. Il n’est pas nécessaire d’entrer dans les détails ici.
Analyse plus détaillée à suivre… !
Romain Rambaud