L’information n’a pas fait grand bruit… et pourtant. Ainsi que l’a annoncé la Région PACA sur son site internet, les conseillers régionaux ont approuvé, vendredi 29 janvier, la création d’une Conférence régionale consultative.
D’après le site, « Composée de personnalités politiques, notamment les anciens présidents de la Région, et de représentants de la société civile, cette assemblée répond à un engagement de Christian Estrosi. Le Président de Région a souhaité que cette assemblée permette la liberté d’expression, de proposition et d’opposition, indissociables de la démocratie. Cette conférence se réunira au moins une fois par trimestre et sera composée de 150 membres, répartis de la façon suivante ;
- 4 co-présidents : le Président de la Région et ses trois prédécesseurs – Michel Pezet, Jean-Claude Gaudin et Michel Vauzelle… même si ces derniers ont depuis fait savoir qu’ils n’avaient pas donné leur accord si facilement que cela.
- 36 sièges pour les listes ayant obtenu moins de 5 % des voix au premier tour,
- 80 sièges pour les listes ayant obtenu plus de 5 % des voix au premier tour,
- 30 sièges pour la société civile.
La création de cette conférence – qui comprend 150 membres, ce qui est immense et d’ailleurs supérieur à l’effectif du conseil régional, qui ne comprend que 123 membres – vient bien sûr des conditions très particulières de l’élection de Christian Estrosi à la tête de la région, à la suite du retrait des listes PS dans le cadre du « retrait républicain » afin d’empêcher que le Front National ne puisse être élu dans cette région. Distancé par Marion Maréchal-Le Pen (FN) au premier tour (40,55 % contre 26,48 %), le candidat s’était alors engagé à permettre « aux candidats des listes qui se sont retirées pour faire barrage au Front national, de faire entendre leurs avis sur les grands dossiers régionaux ». Au premier rang de ces perdants, la liste PS de Christophe Castaner, mais aussi celle réunissant Europe Ecologie-Les Verts et le Front de gauche. Cela lui a permis de réunion sur son nom plus facilement les suffrages de la gauche au deuxième tour.
L’objectif de cette conférence est donc de ré-intégrer dans le jeu politique des élus qui ne sont pas présents aujourd’hui dans l’hémicycle en raison de leur absence de candidature au deuxième des élections régionales. C’est pour cette raison que les seuils électoraux fixés pour la création de cette conférence consultative sont fixés en rapport aux résultats du premier tour des élections régionales : 36 sièges pour les listes ayant obtenu moins de 5 % des voix au premier tour, 80 sièges pour les listes ayant obtenu plus de 5 % des voix au premier tour. Le site internet – dans l’attente de la délibération – ne détaille pas la répartition des sièges entre les listes, mais Le Monde nous apprend que celle-ci ne se fera pas à la proportionnelle.
D’après Le Monde, qui a consacré un article de fond à cette question, chacune des six listes qui n’a pas atteint les 5 % au premier tour, se voit attribuer un siège par département. Un calcul qui place sur la même ligne Nouvelle Donne, Lutte Ouvrière ou l’Union des Droites du fondateur de la Ligue du Sud, Jacques Bompard. Les quatre autres listes (EELV-Front de gauche, PS, LR-UDI et FN), représentées ou non dans la véritable assemblée, se voient octroyer 20 membres chacune. La « société civile », elle, hérite de 30 sièges, équitablement partagés entre trois collèges aux contours mouvants : « acteurs de la culture », « représentants des cultes » et « membres du monde universitaire et économique ». M. Estrosi a précisé que sa conférence régionale respectera « une parité stricte » homme-femme et ne donnera lieu « au versement d’aucune indemnité ». Les conseillers régionaux et les membres du Conseil économique, social et environnemental régional (Ceser) en exercice ne pourront y participer. Ce qui permettra sans doute au passage de repêcher des candidats non élus sur les listes des partis déjà représentés dans l’Assemblée.
Cependant, il existe des oppositions politiques et juridiques à la création d’un tel conseil :
– Du point de vue politique, cette décision est très critiquée car elle consiste à contourner les élections pour réintégrer des personnes qui n’étaient plus dans le circuit électoral sur leur propre décision. D’après Le Monde toujours, « C’est comme si François Hollande créait une assemblée nationale parallèle pour y faire siéger les candidats battus aux législatives », s’est étonnée Marion Maréchal-Le Pen. La présidente du groupe FN s’est émue de voir sa liste, « arrivée en tête au premier tour », dotée d’autant de sièges que celle d’EELV-FDG « qui n’a récolté que 6,5 % des voix ». Il y a effectivement quelque chose de problématique à contourner ainsi le système électif normal, même si les pouvoirs en cause sont limités.
– Du point de vue juridique, il faudra voir quel est le contenu et ce que devient cette délibération. Si le conseil municipal a le pouvoir de créer des conseils consultatifs en vertu de l’article L. 2143-2 CGCT en vertu duquel « Le conseil municipal peut créer des comités consultatifs sur tout problème d’intérêt communal concernant tout ou partie du territoire de la commune. Ces comités comprennent des personnes qui peuvent ne pas appartenir au conseil, notamment des représentants des associations locales. Sur proposition du maire, il en fixe la composition pour une durée qui ne peut excéder celle du mandat municipal en cours. Chaque comité est présidé par un membre du conseil municipal, désigné par le maire. Dernière modification du texte le 01 février 2016 – Document généré le 03 février 2016 – Copyright (C) 2007-2016 Legifrance Les comités peuvent être consultés par le maire sur toute question ou projet intéressant les services publics et équipements de proximité et entrant dans le domaine d’activité des associations membres du comité. Ils peuvent par ailleurs transmettre au maire toute proposition concernant tout problème d’intérêt communal pour lequel ils ont été institués », une telle disposition générale ne se trouve pas aussi facilement concernant les régions, dont les conseils consultatifs semblent prévus par le CGCT lui-même.
Il y a là matière à écrire un bel article de fond…
A suivre ?
Romain Rambaud