Alors que la loi n°2015-1501 du 20 novembre 2015 prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence et renforçant l’efficacité de ses dispositions a été publiée au Journal officiel ce matin (avec au passage un beau développement de la procédure de dissolution qui rappelle certains de nos travaux et sur laquelle on pourra donc revenir), un intéressant article du Monde d’hier (daté d’aujourd’hui), intitulé « Régionales : La campagne reprend sur la pointe des pieds », permet d’approfondir la réflexion lancée par notre article précédent sur les rapports entre l’état d’urgence et la campagne électorale.
Suite à la suspension de la campagne décidée après les attentats, les partis n’ont pas adopté le même rythme pour recommencer à battre le pavé. Ainsi apprenons-nous que si les Républicains et le FN ont repris leur campagne après les trois jours de deuil national, le Parti socialiste attendra le début de la campagne officielle, lundi 23 novembre. On notera qu’il aura vraiment fallu des circonstances exceptionnelles pour que cette disposition passablement désuète du code électoral retrouve une bribe de réalité.
On y apprend aussi, c’est un point très intéressant, que Marine Le Pen a annulé un meeting en soutien au candidat frontiste à Vannes, le rassemblement ayant interdit par mesure de sécurité. Cependant, si Le Monde fait état d’une décision de la préfecture, le site du Front National fait état d’une interdiction municipale… Dans la première hypothèse, la question de l’état d’urgence pourrait être posée au juge électoral. Dans la seconde, ce serait moins évident.
Mais l’information la plus intéressante de cet article est l’analyse de la façon dont le terrorisme a amorcé un changement dans la manière de faire campagne : ainsi la tendance est-elle à laisser de côté l’organisation de grands meetings, qui d’ailleurs pourraient poser des difficultés du point de vue de l’état d’urgence, au profit d’une campagne de proximité, organisée autour de rencontres d’appartement, de cafés-débat… Une campagne adaptée aux circonstances. Quant à la nationalisation du débat nécessairement impliquée par les attentats, elle n’a après tout pas grand chose d’original.
Reste à savoir si les événements traumatiques de ces derniers jours susciteront un sursaut démocratique… et quel en sera l’impact sur les résultats. Pour le moment, les sondages semblent indiquer un maintien du FN, voire une aspiration plus forte de l’électorat des Républicains vers celui-ci, et une remontée du PS qui, avec l’état d’urgence, a trouvé là une belle occasion de triangulation. Un pied de nez à Nicolas Sarkozy, à qui cette stratégie avait permis de gagner en 2007.
Romain Rambaud