05/02/2013 : Droit des sondages italien publication du communiqué de l’AGCOM annonçant l’interdiction de publier des sondages à partir du 9 février 2013

 Comme on l’a déjà évoqué ici, le droit des sondages italien se caractérise, entre autres, par une durée d’interdiction de publication des sondages avant les élections particulièrement longue. Une durée qui interroge, tant du point de vue théorique que pratique.

 

Publication du communiqué du 5 février 2013 : l’interdiction commence le 9 février 2013 et durera 15 jours

L’article 8§1 de la loi n° 28 du 22 février 2000 dispose que « Nei quindici giorni precedenti la data delle votazioni è vietato rendere pubblici o, comunque, diffondere i risultati di sondaggi demoscopici sull’esito delle elezioni e sugli orientamenti politici e di voto degli elettori, anche se tali sondaggi sono stati effettuati in un periodo precedente a quello del divieto ».

C’est à dire que, pendant les 15 jours précédant la date du vote, il est interdit de rendre public ou, également, de diffuser les résultats de sondages d’opinion  portant sur les résultats des élections, les orientations politiques et les intentions de vote des électeurs, même si ces sondages ont été réalisés dans une période précédant celle de l’interdiction.

Il est fait référence en dernière analyse à cette interdiction dans la délibération 666/12/CONS adoptée le 28 décembre 2012 par l’AGCOM relative à l’égalité d’accès aux médias et au pluralisme politique concernant les élections à la Chambre des députés et au Sénat des 24 et 25 février, qui régit l’élection à venir.  L’AGCOM publie en effet à chaque élection un règlement pour les questions relevant de sa compétence, qui est l’occasion de rappeler les règles relatives aux sondages électoraux et politiques.

Cette règle d’interdiction est d’application effective en Italie. A cette fin, l’AGCOM a publié aujourd’hui, mercredi 5 février 2013, un communiqué visant à rappeler ce principe d’interdiction et à fixer la date du 9 février 2013, à partir de laquelle il ne sera plus possible de publier de nouveaux sondages en Italie. Et comme le rappelle l’autorité dans son communiqué, cette interdiction vaut aussi bien pour l’élection à la Chambre des représentants et au Sénat que pour les élections dans les régions du Lazio, de Lombardia et de  Molise, qui se tiendront ensemble les 24 et 25 février.

Les journaux nationaux et régionaux pourront donc déposer dans les kiosques leurs derniers sondages au plus tard le 8 février 2013… et gageons qu’ils n’y manqueront pas. Car après, ce sera la diète.

 

Interrogations sur le délai d’interdiction de 15 jours pratiqué en Italie

Le délai d’interdiction de la publication de sondages en Italie avant une élection s’avère donc particulièrement long. Il est équivalent à celui de la Grèce. Une interdiction que l’on peut interroger théoriquement et pratiquement.

 

Interrogations théoriques

Ce délai questionne bien sûr d’un point de vue intellectuel, notamment vu de la France où la Cour de cassation avait considéré au nom de la liberté d’expression, en 2001, qu’un délai d’une semaine était trop long, avant que le législateur, en 2002, ne ramène ce délai à la veille et au jour du scrutin, construisant cette interdiction sur le modèle plus général de l’interdiction de la propagande électorale.

Les adversaires des sondages envieront le système italien, tandis que leurs promoteurs trouveront ce délai déraisonnable. De notre côté, il nous paraît trop long et se situer en décalage avec cette forme de démocratie délibérative qu’incarne le sondage. Il n’est pas certain que cette atteinte à la liberté d’expression soit suffisamment justifiée par la sincérité du scrutin : après tout, les italiens ont le droit de savoir ce qu’ils font collectivement afin de se prononcer individuellement sur leur choix.

Il est notamment intéressant ici de souligner, certes avec malice, les conséquences de cette interdiction sur les incertitudes économiques et politiques à l’heure où le cavaliere, à coup de propositions populistes, remonte la pente à vitesse rapide dans les enquêtes d’opinion...

Mais cela reste un débat ouvert et force est de constater que le droit comparé présente cet avantage de remettre en question nos préjugés : l’interdiction des sondages n’est pas une anomalie absolue dans le monde, bien au contraire. En la matière, nous continuerons toutefois de préconiser un juste équilibre… qu’il s’agit de définir collectivement.

Du point de vue de l’observation, toutefois, on peut regretter cette interdiction. Il était bien pratique de suivre l’évolution des rapports de force en Italie par l’intermédiaire des résultats des sondages publiés sur le site de la Présidence du Conseil. Un flux continu qui s’arrêtera bientôt… et nous éloignera d’autant de l’Italie. Triste nouvelle !

On aurait bien aimé suivre de plus près, notamment, la montée en puissance de ce parfait inconnu, Beppe Grillo, parcourant les villes italiennes et vociférant contre la corruption des élites politiques, au point d’appeler Al Quaïda à bombarder Rome et de se hisser à 15% dans les enquêtes d’intention de vote. Mais pourquoi Diable nous prive-t-on de sondages ?

 

Interrogations pratiques

En outre, c’est bien entendu la faisabilité pratique de cette interdiction qui pose question. On se souvient bien, pour en avoir largement rendu compte, des difficultés qui ont caractérisé le respect de l’interdiction en France… qui dure deux jours !

Alors, comment imaginer le respect de cette interdiction pendant quinze jours ? L’AGCOM a déjà été confrontée à la difficulté… qui est réelle, et qui l’a conduit à admettre, par exemple, que les débats politiques pouvaient continuer à faire référence aux anciens résultats des sondages (pourtant anciens, et donc contestables) et que la publication des anciens sondages sur le site de la présidence du Conseil n’était pas remise en question.

La question de la sanction de ces principes par l’Autorité semble assez délicate, et il ressort pour le moment des recherches que si l’Autorité semble vouloir être ferme sur les principes, leur application pratique présente beaucoup plus de difficultés.

Toutefois, ces recherches sont en cours et il ne pourra en être tiré de conclusions définitives avant qu’elles ne soient achevées, la question s’avérant juridiquement fluctuante voire incertaine.

Work in progress, donc. Gageons que l’observation du respect de cette interdiction pendant les jours à venir permettra de mener à bien et d’améliorer encore les recherches. C’est quand la pratique rejoint la théorie que les sciences juridiques sont les meilleures. Alors profitons du cumul des mandats, pendant qu’il en est encore temps !

 

Romain Rambaud