L’année 2012 fut particulièrement chargée du point de vue des sondages et de leur droit, en raison des élections présidentielle et législatives françaises d’une part et de l’élection présidentielle américaine, d’autre part.
L’année 2013 devrait logiquement être plus calme. Pourtant, en Europe, des élections fondamentales auront lieu cette année et elles devraient donc soulever des questions importantes en matière d’encadrement juridique des sondages : il s’agira des élections italiennes et des élections allemandes.
Les élections italiennes
Les premières élections à venir seront les législatives italiennes, qui se tiendront les 24 et 25 février prochains. Autrement dit, demain.
Le contexte politique de ces élections est particulièrement complexe. En effet, on se rappelle que ces élections législatives sont des élections anticipées suite à l’annonce en décembre par Mario Monti de sa démission après le vote du budget. Cette démission avait été provoquée par l’annonce de Silvo Berlusconi, dont le parti était membre de la coalition dirigée par M. Monti, de se présenter lui-même aux élections.
Depuis, le contexte est très incertain, et Le Monde a d’ailleurs mis en place un blog, tenu par le journaliste Philippe Ridet, (http://italie.blog.lemonde.fr/), qui permettra de mieux suivre les vicissitudes de la vie politique italienne, qui risquent d’être nombreuses, comme ce pays latin nous en a donné l’habitude depuis un certain temps déjà.
Dès lors, l’analyse des sondages sera particulièrement importante. Mario Monti s’est déclaré prêt à être premier ministre, même si, sénateur à vie, il ne sera pas candidat aux élections,en prenant la tête d’une coalition de partis centristes. Mais sa côte de popularité est pourtant mise à mal en raison de la politique de rigueur qu’il a mise en place en Italie. Suffisant pour remettre en cause sa victoire ?
Les derniers sondages, en tout cas, ne lui sont pas favorables et profitent surtout à la coalition de gauche dirigée par Pierluigi Persani ; même si le jeu des coalitions laisse ouvertes toutes les hypothèses.
Quant à Silvio Berlusconi, c’est également la lecture des sondages qui semble guider dans une large part son étrange dernière campagne électorale. Ces derniers ne sont guère positifs pour le moment, justifiant sans doute ses récents volte-faces, mais ils ne sont pas si mauvais que cela non plus.
Il sera donc intéressant de suivre de près ces élections et les problématiques sondagières qui pourraient s’y poser.
De ce point de vue, le hasard des premières recherches sur internet montrent déjà une curiosité sur laquelle il faudra revenir. C’est en effet sur le site officiel même de la présidence du conseil que l’on trouve un site recensant et comparant les différents sondages d’intention de vote : 224 sondages depuis 6 mois, soit un nombre très important avec plusieurs sondages par jour !
(Voir http://www.sondaggipoliticoelettorali.it/ListaSondaggi.aspx?st=SONDAGGI)
Premier constat : l’Italie semble donc un pays très consommateur de sondages, peut-être autant que la France.
Il peut paraître assez étonnant que les services du gouvernement recensent et mettent à la disposition du public tous les sondages électoraux publiés : c’est pourtant un site officiel et une obligation légale. Il est en effet obligatoire, en vertu de l’article 8§3 de la loi n°28 du 22 février 2000, d’enregistrer sur ce site internet les sondages d’intentions de vote avec un grand nombre de mentions qui vont un peu au delà du droit français : l’institut qui a réalisé le sondage, le commanditaire et l’acheteur, les critères ayant permis de construire l’échantillon, le nombre de personnes interrogées, les questions posées, le pourcentage de répondants et non répondants aux différentes questions, la date de réalisation de l’enquête. On trouve aussi sur le site mention des marges d’erreur.
Le droit italien comprend donc une loi, ou plutôt un article de loi, qui réglemente les sondages : l’article 8 de la loi n) 28 du 22 février 2000 qui concerne les sondages politiques et électoraux.
Outre le recensement obligatoire cité ci-dessus, cet article comprend deux principes fondamentaux :
En premier lieu, l’article 8§1 interdit très clairement de publier des sondages électoraux ou politiques 15 jours avant l’élection. C’est donc un principe d’interdiction très fort, beaucoup plus fort que le principe français limité à la veille et au jour du scrutin, qui s’apparente au principe d’interdiction grec qui est également de 15 jours.
En second lieu, l’article 8§2 pose le principe que l' »autorité » détermine les critères que doivent remplir les dits sondages politiques, c’est à dire qu’il donne pouvoir à l’AGCOM italienne, l’Autorité de garantie de la communication, visée à l’article 2§5 de la loi de 2000 : c’est à dire, en somme, à l’équivalent du CSA et de l’ARCEP français qui intégrerait en plus la Commission des sondages.Cela donne lieu à un système très transparent, comme on peut le constater en visitant le site de cette autorité.
L’étude du système italien dans les semaines à venir s’annonce donc très enrichissante, tant du point de vue politique que du point de vue juridique !
Les élections allemandes
Les élections législatives allemandes auront lieu en septembre 2013 et seront bien sûr fondamentales pour l’ensemble de l’Europe.
Pour l’instant, le jeu ne semble guère ouvert, en tout cas selon les sondages. Dans un pays qui n’est pas connu pour un recours massif aux enquêtes d’opinion, Angela Merkel dispose dans les côtes de popularité de scores astronomiques (81% fin décembre) et les enquêtes d’intentions de vote donnent une avance très confortable à la CDU, les scores paraissant particulièrement stables et tendant même à l’amélioration des résultats de la CDU.
Dans la mesure où la tradition allemande fait du candidat dont le parti est arrivé en tête l’obligatoire chancelier quels que soient les résultats des autres partis par ailleurs, il est probable aujourd’hui qu’ Angela Merkel restera à la tête de l’Allemagne, d’autant que son concurrent du DSP, Peer Steinbrück, très contesté pour sa fortune, ne cesse de multiplier les bourdes et peine à se positionner politiquement face à une chancelière qui n’a pas manqué de préempter les thématiques sociales.
Outre leur intérêt politique et économique, ces élections seront donc aussi l’occasion de s’intéresser de près aux sondages et au droit des sondages en Allemagne.
De ce point de vue, il semble qu’à la différence du système italien, l’Allemagne soit davantage portée sur l’autorégulation par le biais de l’ADM Arbeitskreis Deutscher Markt e.V), association d’entreprises de sondages et marketing faisant référence aux principes de l’ESOMAR et disposant de procédures de règlement de différends.
Par ailleurs, le principe d’interdiction de publier des sondages de sortie des urnes existe mais est beaucoup moins fort : il est limité au jour du scrutin et est sanctionné d’une amende de 50000 euros en vertu de l’article 49 de la loi électorale. De ce point de vue l’Allemagne ressemble à la France.
Ces deux élections, qui s’annoncent passionnantes et primordiales tant politiquement qu’économiquement, seront donc l’occasion d’approfondir les recherches sur le droit comparé des sondages électoraux déjà engagées sur le présent blog.
De quoi démontrer encore une fois le lien entre le droit des sondages électoraux et ce qu’il y a de plus fondamental et de plus actuel dans nos démocraties aujourd’hui.
Romain Rambaud