13/12/2012 : Dernière exégèse du rapport de la Commission des sondages (exégèse n° 6) les améliorations susceptibles d’être apportées au cadre juridique. Quand la Commission prend position sur le futur du droit des sondages.

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Cette dernière exégèse du rapport de la Commission des sondages est l’occasion de se pencher sur l’aspect prospectif du droit des sondages : le dernier paragraphe du rapport est en effet consacré aux améliorations susceptibles d’être apportées au cadre juridique dans lequel évolue la Commission des sondages. Un appel à l’évolution du droit d’autant plus bienvenu qu’il vient d’elle.

Sur ce point, la Commission des sondages se positionne à un double point de vue : elle prend position  publiquement pour la première fois sur la proposition de loi des sénateurs Sueur et Portelli, dont on a rendu compte sur le présent blog à l’occasion du compte-rendu de la conférence Délits d’opinion, et sur un certain nombre d’évolutions qui lui semblent souhaitables en droit des sondages. Plusieurs points peuvent être soulignés ici.

 

Le champ d’application du contrôle de la Commission 

En premier lieu, la Commission des sondages se déclare satisfaite du champ d’application de la loi de 1977, à savoir le sondage électoral publié, et il ne lui « apparaît pas souhaitable d’élargir le champ de compétences de la Commission ». 

Pour la Commission en effet, et en l’état du droit on ne que s’accorder sur ce point, la légitimité du contrôle des sondages, limitation de la liberté d’expression, ne se justifie que par le principe constitutionnel et conventionnel du respect de la liberté du suffrage et de la sincérité du scrutin. La Commission des sondages a raison d’adopter cette position.

Elle considère toutefois dans le rapport qu’il pourrait être utile de préciser la notion de sondage électoral. Cette position est assez étonnante, puisqu’elle s’inscrit en faux par rapport aux positions adoptées depuis très longtemps par la Commission des sondages.

Pour notre part, nous considérons qu’une telle évolution serait à discuter mais pourrait être innoportune, la notion de sondage électoral ayant fait la preuve de son efficacité. On pourrait toutefois avoir une acception du « sondage électoral » plus large que celle qui est utilisée, afin de mieux coller à l’évolution de la société concernant la place des sondages dans le droit.

Tout d’abord, on pourrait se poser la question concernant les « élections potentielles », notamment lorsque la question est posée de savoir s’il faudrait ou non avoir recours à un référendum pour trancher telle ou telle question dans le débat public, comme ce fut le cas concernant la ratification du TSCG. En ce qui nous concerne, nous nous positionnons clairement en faveur du contrôle des sondages portant sur des élections potentielles, tant en raison de leur rapport avec une élection qu’en raison de leur importance politique fondamentale.

Ensuite, la question se pose de savoir si le champ du contrôle ne pourrait pas légitimement changer en raison de l’évolution de l’utilisation des sondages en démocratie  et en droit positif, notamment dans son rapport avec les temps de parole.

En effet, à partir du moment où les sondages (et pas seulement les intentions de vote d’ailleurs, mais aussi les autres types d’enquêtes d’opinion comme les baromètres de popularité puisque la recommandation du CSA de 2011 vise les « résultats des enquêtes d’opinion ») déterminent les temps de parole des candidats dans la période d’équité qui est destinée d’ailleurs à s’étendre, la question se pose de savoir si cela ne doit pas entraîner une évolution dans le contrôle de la Commission, au nom de la liberté d’expression mais aussi au nom du principe constitutionnel de pluralisme politique.

C’est en tout cas un point qu’il faut creuser et discuter, et c’est une position sur laquelle il faudra revenir dans des recherches ultérieures.

En tout cas, on peut noter que la question se posera à la Commission des sondages, qui n’a pas encore délibéré sur ce point. Mattias Guyomar dans son intervention à l’AFDC, tout en appréciant le pour et le contre de cette évolution, n’a pas fermé la porte à ce qui nous semble une évidence : si les sondages devaient prendre une place accrue dans le dispositif du droit électoral, cela conduirait à une évolution du rôle de la Commission des sondages et à un renforcement  de ses pouvoirs.

 

La position en faveur du contrôle a posteriori et l’impossibilité d’envisager le contrôle a priori

Ce point prête moins à discussion : la Commission des sondages, et elle a raison, se prononce contre l’instauration d’un contrôle a priori des sondages publiés, puisque les sondages sont protégés par la liberté d’expression, celle des médias mais également celle des lecteurs qui ont le droit à ce type d’informations.

Elle a également raison d’affirmer que l’idée d’une publication simultanée du sondage et des observations de la Commission soulèverait des difficultés d’ordre juridique et pratique. La Commission met en avant la nécessité de respecter les droits de la défense des instituts mis en cause. Pourtant, ce n’est pas tant cet impératif, qui pourrait être aménagé, que le risque de contrôle a priori de fait que cela pourrait engendrer qui justifie cette solution.

Il convient donc qu’il n’y ait aucune ambiguïté sur ce point : le contrôle a posteriori n’est pas envisageable juridiquement et il est donc impératif de maintenir le système existant.

 

La position de la Commission des sondages sur ses instruments de sanction

Le rapport est aussi l’occasion pour la Commission des sondages de revenir sur ses instruments de sanction, qu’elle considère comme satisfaisant.

Tout d’abord, il faut relever que la Commission des sondages prend acte des critiques qui sont parfois faites aux mises au point.

La mise au point est, on le sait, l’instrument prévu par l’article 9 de la loi de 1977 : elle est destinée à alerter l’opinion publique sur le fait qu’un sondage aurait été réalisé en violation de la loi, des textes et bien sûr de l’ensemble des principes posés par la Commission des sondages. Comme l’a précisé le Conseil d’Etat dans l’arrêt Mélenchon, « il appartient à la commission des sondages de demander la publication ou la diffusion d’une mise au point appropriée lorsque les conditions de réalisation d’un sondage par un organisme ou de publication d’un sondage par un organe d’information ont porté une atteinte suffisamment caractérisée aux dispositions légales et réglementaires dont elle a pour mission d’assurer l’application en compromettant, préalablement à des consultations électorales, la qualité, l’objectivité ou la bonne compréhension par le public de ce sondage ».

La Commission ne défend pas explicitement la mise au point dans le rapport. C’est pourtant bien l’arme qu’elle utilise principalement, et Mattias Guyomar a fait part de sa confiance dans cet instrument lors de la récente journée d’étude de l’AFDC.

Il aurait pourtant été utile de disposer de quelques lignes sur ce sujet. En effet, la mise au point est bien sûr un instrument fondamental. Toutefois, on peut critiquer une tendance qui s’est développée avec les années : la Commission des sondages a davantage tendance à utiliser les mises au point comme instrument de sanction à l’endroit des instituts de sondage ou des médias qu’en tant qu’instrument d’information de l’opinion publique, d’où parfois, une rédaction obscure de celles-ci. Sans parler des problèmes, qui se posent parfois, de mauvaise publication des mises au point.

Cette évolution nous semble aller à contre-sens de la nature de la mise au point : être un instrument correctif et non coercitif. Elle nous paraît liée à l’absence d’autres pouvoirs de sanction administrative, comme le prononcé d’un blâme, par exemple. Mais c’est un appel que ne forme par la Commission des sondages, alors qu’elle a pu le faire dans le passé. En ce qui nous concerne, nous proposons que de futures projets de loi se penchent sur la possibilité d’attribuer un pouvoir de sanction administrative à la Commission, qui ne dispose pour le moment que de la faculté, inadaptée, de saisir le juge pénal.

La Commission quant à elle préfère insister sur ses autres instruments pour faire appliquer le droit positif, à savoir l’ensemble des instruments informels, fondés sur les relations de confiance qu’elle entretient avec les instituts de sondage et, de plus en plus, les médias : sur ce point, on pourra renvoyer aux éléments développés dans la précédente exégèse du rapport de la Commission consacrée à ses méthodes de fonctionnement.

 

Les évolutions souhaitables du droit positif

Les prises de position précédentes de la Commission, qui considère le droit positif comme globalement satisfaisant, n’empêche pas celle-ci de se prononcer en faveur de certaines évolutions du droit positif.

C’est le cas concernant la définition du sondage électoral, comme nous l’avons vu, même si une telle évolution n’est sans doute pas l’aspect le plus urgent.

C’est aussi le cas concernant certaines règles déjà posées par la Commission des sondages, comme l’obligation d’indiquer le nom du commanditaire s’il est différent de l’acheteur du sondage ou les règles de méthode concernant la publication des sondages de second tour avant le premier. De ce point de vue, il nous semble que si la première hypothèse est fondée, dans la mesure où elle peut poser des problèmes juridiques de confidentialité et devrait donc être prise en charge par la loi, la seconde nous paraît moins utile.

Enfin, la Commission des sondages considère que l’idée d’intégrer davantage de statisticiens est à retenir. Une évolution intéressante qui va dans le sens d’une plus grande ouverture de la Commission des sondages, ce qui semble une bonne chose… à condition que le droit des sondages reste avant tout une question de droit !

La Commission se montre donc ouverte à un certain nombre d’évolutions et il faut s’en réjouir.

 

Le problème de la diffusion des résultats avant l’heure

Enfin, la Commission se prononce sur le problème de la diffusion des résultats avant 20 heures, point qui a déjà fait l’objet d’une exégèse complète à laquelle on pourra donc renvoyer.

On se contentera ici de rappeler que, contrairement à la Commission Jospin et au Conseil constitutionnel,  la Commission des sondages, qui est l’autorité la plus compétente en la matière, ne fait pas l’erreur de proposer une harmonisation de la fermeture des bureaux de vote à 20 heures, mais propose (implicitement mais clairement), 19 heures.

En effet, comme nous l’avons déjà vu de nombreuses fois ici, l’harmonisation de la fermeture des bureaux de vote à 20h aurait un double effet pervers : redonner une place plus importante aux sondages de sortie des urnes au moment de la publication des premiers résultats à 20h (à défaut de disposer alors d’estimations de résultats réalisées sur la base des résultats de bureaux tests plus fiables)  au risque de voir le débat électoral s’articuler autour de résultats erronés, et maintenir les fuites de ces mêmes sondages de sortie des urnes réalisés dans la journée. Ainsi, selon la Commission, « le maintien d’un intervalle d’une heure présenterait le double avantage de permettre l’établissement d’estimations à partir des résultats recueillis auprès de « bureaux tests » tout en évitant la possibilité d’en divulguer massivement la teneur avant la clôture du scrutin ». Elle a raison.

 

Conclusion

Il est tout à fait positif que le rapport de la Commission des sondages se termine par un paragraphe consacré à la prospective : si on a le droit de ne pas être en total accord avec toutes les positions de la Commission des sondages, force est de constater que celle-ci s’affirme dans son rôle et n’hésite pas à se mettre en avant du droit des sondages, comme l’a toujours fait dans son histoire. C’est un point qu’il faut saluer.

Plus généralement, il faut noter que ce rapport confirme la permanente actualité du droit des sondages. Il y a quelque mois, nous affirmions que la rentrée de septembre 2012 n’oublierait pas les sondages. Force est de constater que cette prévision s’est réalisée, en France mais aussi à l’étranger, comme l’a démontré l’activité de ce blog…

On peut sans prendre de risques gager qu’il en ira de même en 2013 :

D’un point de vue pratique, les élections locales et européennes en France devraient nous occuper… tout autant que les élections en Allemagne et en Italie.

Du point de vue théorique, le droit des sondages est toujours en chantier et il y a de nombreuses problématiques nouvelles à approfondir ou à créer.

Sur ce point d’ailleurs, Mattias Guyomar a annoncé que la Commission des sondages pourrait organiser un colloque en 2013 : à suivre de très très près !

L’occasion d’annoncer que suite à cette dernière exégèse, le présent blog proposera bientôt une interview de Mattias Guyomar pour parler des problématiques du rapport de la Commission mais surtout… de l’avenir !

 

En attendant, le blog du droit des sondages est maintenant en vacances, et ce jusque début janvier…

Excellentes fêtes de fin d’année à vous tous et on se retrouve en 2013 pour une nouvelle année de droit des sondages !

 

Romain Rambaud

 

 

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