13/06/2012 : Retour sur l’échec des sondeurs à Hénin-Beaumont – l’interview de Bruno Jeanbar

Hier sur ce blog, dans l’article du 12/06/2012 intitulé La déculottée de Mélenchon : réflexions sur les sondages, l’opinion publique, l’électeur, et le droit !, nous retracions l’échec des sondeurs à Hénin-Beaumont, la faillite du contrôle de la Commission des sondages lorsque celle-ci a décidé de ne pas faire de mise au point sur le premier sondage Mélenchon/Le Pen publié par le JDD et les conséquences qu’il fallait en tirer du point de vue du droit des sondages.

 

Aujourd’hui, une interview utile est parue sur le site Atlantico.fr de Bruno Jeanbart, le directeur du pôle opinion d’Opinion Way, revenant sur ces difficultés.

Au passage, mais c’est anecdotique, il n’est pas inintéressant de noter que c’est une bonne manière pour le site Atlantico de continuer sa percée dans le petit monde des sondeurs, alors que celle-ci avait pu être un peu difficile au début, et nous renverrons avec un peu de malice à notre article publié le 30/04/2012 intitulé Débats télévisés : Gare aux faux sondages de faux instituts !

 

En tout cas, Bruno Jeanbart vient ici confirmer les explications que nous donnions hier.

Après avoir relevé que son propre sondage auquel nous avions fait référence, réalisé le jeudi, avait déjà donné en tête Mme Le Pen, il rappelle que les premiers sondages ont été réalisés trois semaines avant le premier tour, que la campagne a fait bouger les lignes, que 15 % des électeurs se sont décidés au dernier moment – un problème récurrent se posant aux sondeurs –  mais surtout que le « vote Le Pen reste difficile à évaluer car une partie des électeurs du FN n’assument pas leur choix. Les sondages sont donc corrigés à posteriori, mais il arrive cela ne suffise pas pour supprimer les biais ».

Les sondeurs confirment donc que la problématique du vote caché en faveur de Le Pen n’est pas totalement terminée, et nul ne sait donc encore comment redresser Marine Le Pen, a fortiori dans une élection locale dont le contexte était si particulier !

Toutefois, certains éléments d’explications nous sont donnés qui sont riches d’enseignements, du point de vue politique comme du point de vue juridique, et l’on pense ici aux futurs contrôles de la Commission des sondages.

Tout d’abord, on le savait déjà, cela a joué pendant la présidentielle et cela n’étonne guère, il y a un vote caché Le Pen dans les électeurs de Mélenchon, et très probablement, cela a joué dans les sondages sur Hénin-Beaumont : parmi ceux qui ont déclaré d’abord vouloir voter pour Mélenchon, combien ont finalement voté pour Marine Le Pen ?

Ensuite, c’est nouveau et pour l’avenir ce point sera sans doute très important pour les stratégies des partis – et pour le redressement politique des échantillons – il apparaît que de nombreux électeurs de droite ont « voté utile » dès le premier tour en votant Marine Le Pen, phénomène sans doute renforcé par le fait qu’il n’y avait de candidat UMP dans la circonscription, mais seulement un candidat MODEM soutenu officiellement par l’UMP. La personnalité très radicale de M. Mélenchon ayant même renforcé cette tendance selon Bruno Jeanbart.

De quoi valider – du point de vue de la statégie politique s’entend – le « NI NI » de l’ancien parti présidentiel !

 

Enfin, le sondeur va jusqu’au bout de son raisonnement, et tire en tout cas les leçons des erreurs des sondages, en considérant que Marine Le Pen a finalement des chances importantes de gagner :

« La circonscription est plus que jamais gagnable pour Marine Le Pen. Son score du premier tour est très bon et la gauche est divisée. Le FN fait 42% tandis que le candidat de l’UMP fait 8%. On flirte donc avec les 50%.  Ça dépendra de la campagne de second tour  et des différents appels qui vont être faits dans l’entre-deux tour. Il faudra recoller les morceaux entre deux camps qui se sont durement affrontés. Pour l’emporter, la gauche devra susciter un surcroît de mobilisation ».

Bruno Jeanbart ne dit pas par contre si ce commentaire relève de son intuition personnelle ou… d’un sondage. Finalement, on ne sait plus très bien quelle serait la réponse la plus fiable ;-).

Une nouvelle illustration de la difficulté de sonder et du bonheur de la politique, qui réserve toujours des surprises ! Affaire à suivre !

Romain Rambaud