Au soir du premier tour de l’élection présidentielle, Nicolas Sarkozy proposait de rompre avec la tradition républicaine d’un unique débat entre les deux tours en proposant l’organisation de trois débats, déclenchant une passe d’armes connue qu’il n’est pas utile de reprendre ici.
Du point de vue des sondages, il est intéressant de noter que cette question a donné lieu à la publication de nombreux « faux sondages » desquels il vaut mieux se méfier. On peut donner ici deux exemples :
Premier exemple, le lundi 23 avril, un site internet a été créé : http://www.3debats.fr/.
Ce site proposait une enquête demandant aux français leur avis sur l’organisation de trois débats : sur 94.896 votants qui ont participé à cette enquête, 83.7% se sont prononcés pour l’organisation de trois débats soit : 79.475 votes et 16.3% se sont prononcés contre soit : 15.421 votes. Quant au commentaire, il n’est pas nécessaire d’en rajouter : « La France a un choix historique à faire. Les Français voulaient 3 débats à plus de 83 % ! François Hollande a choisi d’ignorer leur avis » .
Le problème est que ce sondage n’en est pas un. En effet, il n’est fondé sur aucun échantillon représentatif de la population française et ne répond donc à aucune exigence scientifique. La Commission des sondages, reprise sur ce point par les sénateurs Sueur et Portelli dans leur proposition de loi d’octobre 2010, a à de nombreuses reprises alerté sur les problèmes liés aux « faux sondages » réalisés sur internet et ne présentant aucune garantie de qualité et d’objectivité.
Deuxième exemple, jeudi 26 avril, l’Emission de France 2 « Des paroles et des actes » a invité, successivement, François Hollande et Nicolas Sarkozy à répondre aux questions de M. Pujadas et de son équipe. A leur demande, ils ne se sont pas croisés.
Les prestations réciproques du candidat socialiste et du président sortant ont fait l’objet d’une enquête, organisée par l’entreprise Mediaprism pour le site internet Atlantico. Cette enquête est intitulée « Sondage Mediaprism/Atlantico » et disponible via le lien suivant :
http://www.atlantico.fr/decryptage/emission-paroles-et-actes-majorite-telespectateurs-convaincue-nicolas-sarkozy-mediaprism-344095.html
Selon ce sondage, réalisé juste après l’émission, 57 % des électeurs ont été convaincus par l’intervention de Nicolas Sarkozy et seulement 47 % par celle de François Hollande. 50 % ont trouvé le président le plus convaincant contre 36% pour François Hollande. Francois Hollande apparaît moins fidèle à ses idées (49%) que Nicolas Sarkozy (70%), même si ce dernier fait une moins bonne campagne (47%) que le premier (61%).
Pourtant, la publication de ce sondage a donné lieu à l’édiction d’un communiqué de la Commission des sondages : celle-ci, le 27 avril 2012, a constaté que « Cette publication ne s’est pas faite dans le respect des dispositions légales », la Commission faisant alors savoir que « Faute d’avoir été à même d’exercer le contrôle qui lui incombe, la Commission des sondages fait savoir que les résultats de ce sondage doivent être regardés avec la plus grande réserve » .
En effet, il apparaît que Mediaprism n’est pas un institut de sondage d’opinion au sens où selon nos informations, elle n’a pas fait la déclaration prévue par l’article 7 de la loi n° 77-808 du 19 juillet 1977 selon laquelle elle s’engage à respecter le cadre législatif. En outre, elle n’a pas communiqué à la Commission des sondages la notice prévue à l’article 3 de la loi avant la publication du sondage et qui permet à la Commission d’exercer son contrôle. La publication de cette enquête conduit donc à une double violation de la loi ce qui est particulièrement regrettable.
Or, un certain nombre de questions se posent concernant la qualité de la méthodologie de ce sondage : s’il est dit qu’il a été établi selon un échantillon représentatif de la population française selon la méthode des quotas, rien ne permet de l’étayer. En outre, ce sondage a été réalisé exclusivement en ligne, ce qui peut introduire des biais de représentativité particuliers. Enfin, de jurisprudence constante, la Commission des sondages estime qu’un sondage réalisé auprès des seuls télespectateurs d’une émission de télévision n’est pas représentatif de l’ensemble de la population française et ne peut donc être considéré comme un véritable sondage. Ces éléments auraient du être vérifiés, mais en l’absence de notice, la Commission des sondages n’a pas pu exercer son contrôle.
Ces deux exemples soulignent en creux le problème des « faux sondages », souligné par la Commission des sondages, c’est à dire de ces enquêtes publiées sur internet mais ne répondant pas aux garanties scientifiques minimales. Pour le moment, le régime de ces faux sondages n’est pas satisfaisant, et la Commission des sondages se trouve un peu démunie. Il s’agirait ici de permettre à la Commission de vérifier plus étroitement et de sanctionner plus durement ceux qui se rendent coupables de ce genre de pratiques : ce problème est exploré plus longuement dans notre ouvrage, Le droit des sondages électoraux, auquel nous renvoyons. Ils mettent également en exergue la faiblesse de la sanction exclusive du droit des sondages par le biais du droit pénal, que nous analysons également.
En toute hypothèse, dans l’attente d’une amélioration du contrôle sur ce type d’enquêtes, un seul conseil : à une semaine du second tour, méfiez-vous des faux sondages sur internet !
Romain Rambaud