Elections départementales et régionales : courir derrière le virus ? Les prudentes conclusions du rapport Debré [R. Rambaud]

Missionné par le Premier Ministre le 23 octobre dernier, Jean-Louis Debré avait pour tâche de consulter l’ensemble des forces politiques (présidents des Assemblées, des groupes politiques, des associations d’élus, soit plus de 60 consultations) pour étudier les conditions d’organisation du scrutin de mars, ou celles d’un éventuel report, en raison de l’épidémie de Covid-19.

Une consultation opérée en trois semaines : le Président Debré a rendu ce vendredi 13 novembre son rapport au Premier Ministre, que l’on pourra trouver ici (65 pages). L’article ci-dessous revient sur les points clés. Vous pourrez trouver par ailleurs un bon article qui revient sur les différents épisodes sur le blog de maître Eric Landot.

L’impression générale qui s’en dégage est qu’il s’agit d’un rapport très étayé, très raisonnable… mais peut-être trop. Il donne la sensation que la France, dans son système électoral, s’adaptera peu et continuera ainsi à se soumettre à la bonne volonté du Covid-19. Loin d’une certaine audace qu’il faudrait selon nous préférer, afin de pouvoir faire face dans tous les cas à la problématique sanitaire, la France continuera ainsi à courir…. derrière le virus.

Une mission répondant aux standards de la consultation large des parties prenantes et de la recherche d’un consensus politique

Un déplacement de telles échéances ne peut être décidé que d’une « main tremblante », en s’assurant que les motifs qui le justifie sont impérieux, non partisans, et font l’objet d’un diagnostic partagé

Rapport Debré, Avant-propos introductifs, p. 2.

C’est ce qu’indique avec raison en préambule le rapport Debré. Celui-ci aura permis en effet sur cette question de répondre à deux impératifs, consacrés au demeurant par tous les standards internationaux : la consultation la plus large possible des parties prenantes et l’impératif du consensus politique.

Comme l’indique le rapport, « Nous avons, en moins de trois semaines, procédé à plus de soixante auditions: présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale, présidents des commissions des lois et des délégations aux
collectivités territoriales, présidents des groupes parlementaires, chefs de partis politiques représentés au Parlement, présidents d’associations d’élus, présidents des conseils exécutifs des collectivités pour lesquelles le code électoral contient des dispositions particulières. Parallèlement, nous avons interrogé les représentants de la communauté scientifique pour recueillir les informations disponibles sur les perspectives d’évolution de la pandémie de Covid19 et d’acquisition d’une immunité, naturelle ou par vaccin ».

De ce point de vue, on peut se féliciter que la France ait retenu deux leçons. La première est la nécessité d’anticiper, et encore avons-nous déjà perdu beaucoup de temps. La deuxième est la nécessité d’obtenir un consensus politique : de ce point de vue, la mission confiée par le premier ministre à Jean-Louis Debré a tout son sens. L’importation de ce standard international aura été réussie, à l’image de ce qui avait finalement heureusement prévalu en mars 2020 lors de la crise des municipales.

Le report des élections à la fin du mois de juin : consensus politique et sécurité juridique

Synthèse des recommandations

Annoncer publiquement, dès le début du mois de décembre 2020, la date à laquelle le Gouvernement souhaite convoquer les électrices et les électeurs pour le renouvellement général des conseillers régionaux, départementaux et des assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique.

Fixer cette date à la fin du mois de juin 2021, dans l’objectif de ne déplacer que dans la stricte mesure nécessaire l’échéance antérieurement prévue. Une étude de la situation épidémiologique spécifique de la Guyane serait toutefois nécessaire.

Déposer à bref délai un projet de loi au Parlement afin de fixer la nouvelle date des scrutins. Prévoir que le Conseil scientifique Covid-19 remette directement au Parlement un point de situation sur l’évaluation de la situation sanitaire avant la tenue des scrutins. Cette information n’aurait pas le caractère d’une « clause de revoyure automatique ».

Rapport Debré, synthèse des recommandations, p. 4.

Tout d’abord, le rapport propose comme attendu le report des élections au moins de juin, les forces politiques y étant soit favorables, soit non opposées.

Le rapport indique ainsi qu' »il ressort de ces considérations et des consultations effectuées que si la tenue des élections, en elle-même, serait possible en mars 2021, en observant un protocole sanitaire strict, la sincérité des scrutins suppose que la campagne qui les précède se tienne, pour quelques mois, en dehors d’une loi d’état d’urgence sanitaire votée par le Parlement. Ainsi, une décision à très bref délai en faveur d’un report des scrutins au mois de juin 2021 constituerait une option raisonnable, au regard des risques sanitaires comme des enjeux politiques et institutionnels. Cette option ne m’a semblé soulever aucune difficulté majeure au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel ».

La mission Debré a donc pris en compte non pas seulement les difficultés posées par les modalités de vote, mais aussi et surtout les difficultés à faire campagne pendant la période de Covid, qui constitue en effet un point absolument majeur : « Si un protocole sanitaire strict pourrait permettre d’organiser le scrutin lui-même, ce n’est pas le cas pour la conduite de la campagne électorale, en particulier pour les élections départementales. Les personnalités consultées admettent que cette campagne est compromise dans le cadre du confinement et de l’état d’urgence sanitaire ».

Une information sur les conditions sanitaires est prévue au printemps, a priori en avril, pour faire le point. Le Conseil scientifique sera chargé de l’évaluation qui devrait être remise au Parlement, qui pourra s’en saisir.  Mais le Parlement restera maître de la décision à prendre, de sorte qu’il faudra une nouvelle loi : il ne s’agit pas d’une « clause de revoyure » automatique.

A noter qu’il pourrait y avoir une exception justifiée ici pour la Guyane, qui se trouve dans une position saisonnière « inversée » par rapport à la situation sanitaire de la métropole. Un élément qui n’avait été bien pris en compte lors de la première crise, l’idée étant de ne pas refaire la même erreur. Les élections pourraient donc se tenir à la date prévue dans la collectivité de Guyane.

On soulignera que deux hypothèses sont exclues.

L’hypothèse de l’automne 2021 est exclue notamment en raison des risques que l’épidémie reprenne, ce qui montre bien que la tendance est plutôt de « courir derrière le virus » plutôt que d’adapter notre droit à celui-ci, ce qui n’est guère satisfaisant…

L’hypothèse de l’automne 2022, qui a semble-t-il été soutenue par « quelques personnalités politiques », est également exclue. La plupart des forces politiques ont en effet avancé l’incohérence de repousser ces scrutins et de tenir l’élection présidentielle, argument d’incohérence qui pourrait poser problème, comme nous l’avions avancé sur le blog du droit électoral, y compris au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Sur ce dernier point, même si le rapport est d’accord avec ce constat, il se montre moins prolixe dans l’analyse et ne se permet pas vraiment d’évoquer l’hypothèse de l’incohérence du raisonnement du législateur… préférant arguer d’un encombrement de l’année électorale de 2022. On y verra aussi une marque de politesse.

Au regard de la jurisprudence constitutionnelle et administrative, la décision de reporter les scrutins à la fin du mois de juin 2021 présente des risques contentieux moins élevés qu’à l’échéance de l’automne 2022.

Rapport Debré, p. 30.

M. Debré, au Monde, a été encore plus clair : « Toute ma réflexion s’est organisée autour de l’idée qu’on ne reporte pas la démocratie (…) Mais il convient également de prendre en compte l’exigence sanitaire. Dans ces conditions, la seule possibilité à mes yeux consiste à renvoyer l’échéance au mois de juin. Ce n’est pas sans risque, mais ne faisons pas attendre la démocratie. Toute autre hypothèse est à exclure, notamment le renvoi au-delà de l’élection présidentielle. »

Adapter (un peu) la campagne électorale

Comme le relève le rapport Debré, « Le décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 (…) a institué des restrictions destinées à prévenir la propagation du SARS-CoV-2. Le III de son article 3 interdit les rassemblements, réunions ou activités sur la voie publique ou dans un lieu ouvert au public mettant en présence de manière simultanée plus de six personnes. Le I de son article 4 énumère, de manière limitative, les motifs pour lesquels les personnes peuvent exercer leur liberté de circulation, au nombre desquels ne figurent pas l’information et l’expression sur les enjeux des campagnes électorales. Ces dispositions affectent d’ores et déjà de manière substantielle la conduite de la campagne électorale engagée le 1er septembre 2020 ».

Cependant, le rapport note aussi que les scientifiques attendent une accalmie et que « Le report des scrutins en juin 2021 offrirait aux candidats une période supplémentaire de trois mois pendant laquelle il leur serait possible de tenir des réunions publiques en plein air et d’échanger avec les électeurs sur la voie publique, dans le respect des exigences sanitaires, afin de compléter la campagne électorale déjà engagée »… On ne peut qu’être d’accord avec cela, même si on a une nouvelle fois l’impression de courir après le virus…

C’est la raison pour laquelle le rapport propose des adaptations limitées…

« Ils sont de portée modeste et en nombre limité. Il importe, en effet, de conserver un équilibre entre, d’une part, la nécessaire adaptation des dispositions en vigueur aux circonstances exceptionnelles de la pandémie de Covid-19, et, d’autre part, le principe de stabilité du régime électoral l’année précédant l’élection, entré en vigueur il y a à peine quelques mois, le 30 juin 2020. Une rénovation plus profonde des modalités de l’élection se prête à une réflexion dans un temps moins contraint, permettant de vérifier la disponibilité sur le marché des solutions techniques, de recueillir des enseignements d’expériences menées dans d’autres Etats, et de s’inscrire dans une très large concertation ».

Rapport Debré, p. 31.

Concernant la campagne électorale, Jean-Louis Debré demande un protocole sanitaire adéquat, mentionnant la « maîtrise de la densité des personnes réunies dans un même lieu, ventilé et aéré » et l’utilisation « autant que possible des canaux dématérialisés ». Il propose également de « majorer le plafond des dépenses de propagande » (comme pour les élections municipales) et d’ « envisager, après une étude de son coût financier et environnemental, un doublement du format des « professions de foi »« . Toujours soucieux des deniers publics, le ministère de l’Intérieur a estimé que « le coût serait de l’ordre de 50 à 100 millions d’euros et pourrait aboutir à majorer de 48% le coût global de l’organisation des élections ». La rapport évoque aussi une évolution dans la régulation de l’audiovisuel, renvoyant sur ce point à un futur débat parlementaire…

D’autres propositions en revanche sont exclues, notamment la délicate question de l’assouplissement de l’interdiction de publicité commerciale, qui aurait permis de développer comme outils de propagande les sites internet des candidats, les réseaux sociaux… on aurait pu imaginer la même chose pour la presse. Mais il s’agirait d’une révolution pour le droit des campagnes électorales (et pour ses finances) et le rapport, prudent, ne s’engage pas sur cette voie, même s’il ne la ferme pas non plus, renvoyant la question à un futur débat parlementaire…

Certains partis politiques estiment que ces restrictions aux modes de communication avec les électeurs méritent un certain assouplissement. Cela suppose toutefois d’être mûrement et finement pesé (…) En l’absence de positions détaillées sur ces questions complexes, qui n’étaient pas au cœur de la mission, et de consensus susceptible d’être dégagé dans le temps imparti, aucune recommandation n’est reprise en ce sens ; les enjeux sont toutefois signalés dans la perspective d’un débat parlementaire.

Rapport Debré, p. 36.

Le rapport suggère une étude sur le vote par correspondance… mais estime qu’il serait trop couteux et trop compliqué

Concernant les modalités de vote, le rapport évoque la question du vote par correspondance, demandant au Gouvernement d’y réfléchir, tout en penchant semble-t-il assez clairement pour se contenter de reproduire les adaptations mineures adoptées pendant les élections municipales.

Certes, dans la synthèse de ses recommandations, le rapport Debré ne ferme pas la porte au vote par correspondance en demandant une réflexion approfondie sur le sujet :

Synthèse des recommandations

Envisager le développement du vote par correspondance ou par internet dans des conditions assurant sa fiabilité technique et matérielle, afin d’assurer la sincérité du scrutin. Veiller au respect du caractère personnel et secret de ce vote, notamment vis-à-vis de communautés.

Rapport Debré, synthèse des recommandations, p. 4.

Cependant, la suite du rapport est beaucoup moins enthousiaste.

D’après le rapport Debré, « Le vote personnel et secret de l’électeur, marqué par la solennité du passage à l’isoloir et du dépôt dans l’urne, demeure une référence pour la totalité des personnalités politiques consultées » (p. 45 et s.).

Le rapport indique ainsi que le modèle suisse, où le vote par correspondance est le principe et le vote en présentiel l’exception, ne recueille pas de suffrages en France, mais que certaines forces politiques ont souhaité qu’on réfléchisse à l’introduction d’un vote par correspondance sur demande.

A la lecture du rapport, il apparaît que l’enthousiasme est très limité, en raison de la lourdeur de la procédure, d’un nombre potentiellement élevé de bulletins nuls et du coût que représenterait le dispositif, le ministère de l’intérieur évaluant son coût pour l’ensemble du territoire national à 272 millions d’euros (sachant cependant qu’une partie de ce coût, c’est une appréciation de notre part, pourrait être pris en charge lors de l’envoi de la propagande officielle).

Le rapport considère que la ré-introduction du vote par correspondance serait complexe : « L’introduction de ces nouvelles formes de vote, en France, en temps de pandémie de Covid-19, dans un délai contraint, et en l’absence d’expérience antérieure ou de solution technologique disponible et fiable à court terme, risquerait, paradoxalement, de leur nuire à long terme (…) ». D’un autre côté, dans la mesure où il y a des élections tous les ans en France, on peut penser qu’il n’y aurait jamais de bonne fenêtre de tir…

Le rapport indique après beaucoup d’obstables :

  • « Il ne pourrait être introduit qu’après une réflexion aboutie sur les conditions de sa sécurisation [le vote par correspondance par voie] postale, même s’il semble techniquement plus facile à maîtriser à plus bref délai.
  • En effet, il serait nécessaire que les électeurs se manifestent en temps utile avant le premier tour du scrutin.
  • Mais c’est sur le second tour que se concentrent les difficultés, car une semaine seulement, en l’état du droit, le sépare du premier.
  • La réception des bulletins par les électeurs, la manipulation des trois enveloppes et leur réception en temps utile par le bureau de vote, en tenant compte des précautions de manipulation qu’impose la crise sanitaire soulèvent des enjeux particuliers en terme de fiabilité d’acheminement, en particulier à une période plus délicate pour la gestion des services postaux.
  • Elle suppose également une bonne gestion des émargements des électeurs exerçant l’option du vote par correspondance. Il convient de prévenir tout double vote, par correspondance et dans l’isoloir, tout en évitant de priver de son droit de participer au scrutin une personne qui n’aurait pas reçu le matériel de correspondance en temps utile.
  • L’électeur devrait informer le maire de sa commune d’inscription de son choix, qui serait alors enregistré sur le Répertoire électoral unique, géré par l’Institut national de la statistique et des études économiques. Cela supposerait que ce répertoire soit enrichi, de manière à pouvoir restituer, une mention sur la liste d’émargement, afin que les préfectures puissent adresser le matériel de vote avec la propagande électorale, et que les présidents des bureaux de vote et assesseurs puissent s’assurer
    de l’absence de double vote le jour du scrutin. La faisabilité technique de cette adaptation dans les délais requis devrait être expertisée.
  • Il reviendrait en outre au législateur de déterminer si un choix exprimé en faveur du vote par correspondance est irrévocable, ou si l’électeur peut, dans certains cas, se rendre à l’isoloir, par exemple, s’il n’avait pas reçu le matériel de vote par voie postale en temps utile.
  • Selon l’ampleur de la flexibilité consentie, les conséquences sur de délai de communication des résultats de l’élection sont plus ou moins importantes.

On le voit, le rapport insiste surtout sur les difficultés qu’il faudrait traiter à ce stade… De telles interrogations sont légitimes, et il faudrait bien sûr faire évoluer le dispositif légal.

Il fait cependant des propositions si la décision était prise en faveur du vote par correspondance, marque de bonne volonté qui mérite d’être notée :

« Si une décision politique était néanmoins prise en ce sens, en assumant ces risques, pour des opérations électorales susceptibles d’avoir lieu dans quelques mois au cours de l’année 2021, il serait opportun, d’une part, d’envisager de séparer les deux tours de scrutins de deux semaines, et non d’une, et, d’autre part, de vérifier que des solutions techniques suffisamment fiables sont susceptibles d’être proposées par des prestataires dans des délais aussi brefs »

Et le rapport de conclure :

Il semble donc plus prudent, à ce stade des réflexions et des éléments transmis par le ministère de l’Intérieur et le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, de préconiser de se borner à reconduire, en les précisant, les facilitations d’exercice du vote par procuration prévues par les II et III de l’article 1er de la loi du 22 juin 2020

Rapport Debré, p. 50.

D’après Le Monde encore : « M. Debré recommande d’« envisager » cette possibilité, mais « dans des conditions assurant sa fiabilité technique et matérielle afin d’assurer la sincérité du scrutin ». Ce dont il ne semble pas totalement convaincu à l’heure actuelle. Il rappelle que le vote par correspondance est possible pour les Français résidant à l’étranger mais que cela conduit à l’annulation d’environ un quart des votes. Il met également en garde sur les risques d’un « vote communautaire » et doute de la possibilité d’acheminement des bulletins entre les deux tours de scrutin, compte tenu des délais imposés par le dépôt des candidatures au second tour. Il rappelle enfin les conditions imposées par le code des marchés publics. « Si on me garantit que tout cela est possible, je n’y vois pas d’inconvénient », consent-il, sans faire montre d’un grand enthousiasme ».

Il est à craindre, suivant ces éléments, que la tentative d’adapter notre droit électoral à la Covid-19 reste lettre morte… au profit du système de vote par procuration, solution étrange alors même qu’au niveau international le système du vote par procuration est vu défavorablement et qu’on lui préfère le vote par… correspondance. Tropisme bien français.

Il en va de même de la crainte, régulièrement entendue, selon laquelle le problème viendrait de « Veiller au respect du caractère personnel et secret de ce vote, notamment vis-à-vis de communautés ». Crainte déjà entendue mais que le rapport, sur ce point, n’explicite pas… alors qu’il semble au cœur des réticences.

Il semblerait cependant (pour la forme ?) que Matignon va demander au ministère de l’Intérieur de lancer une analyse technique sur les options envisageables. En parallèle, ceux qui défendent sa mise en œuvre, notamment les parlementaires, vont continuer à œuvrer en ce sens… En vain ?

Notre position : pour ne pas courir après le virus, reporter a du sens (surtout) si on adapte notre droit électoral à la Covid-19

Pour notre part, nous avons déjà exposé notre position sur ce point dans une tribune parue à l’AJDA reproduite sur le blog du droit électoral en début de semaine et dans une tribune parue sur le liste du journal Le Monde hier.

Il nous semble – et hélas le rapport Debré a tendance à nous conforter en ce sens – que la décision du report n’aurait guère de portée s’il ne s’agissait que de courir après l’épidémie en espérant organiser des élections au moment où celle-ci déciderait d’une accalmie, ou de compter déjà sur un vaccin. En revanche, reporter les élections départementales et régionales aurait bien plus de logique si l’on proposait dans le même temps une adaptation de notre droit électoral à la pandémie, au niveau des campagnes électorales (audiovisuel, réseaux sociaux, propagande officielle, etc.) comme des modalités de vote (vote anticipé, vote par correspondance, etc.).

En effet, la participation aux élections municipales s’est effondrée et il serait désastreux de laisser penser que notre système représentatif s’en accommoderait. La France resterait-elle une grande démocratie si elle était incapable d’adapter son système électoral à la pandémie, là où d’autres pays ont réussi à maintenir leurs élections avec succès sur le plan de la participation malgré le Covid en utilisant des outils adaptés au contexte tels que le vote anticipé (Corée du Sud, Etats-Unis) ou le vote par correspondance (Allemagne, Suisse, Pologne, Etats-Unis) ? Ci-dessous, un tableau produit par l’IDEA, l’International Institue of Democracy and Electoral Assistance, qui hélas en dit bien plus que de longs discours…

Certes, tout risque de fraude n’est pas à écarter, mais l’argument ne peut suffire. Il est possible d’imaginer des dispositifs sécurisés, c’est un problème que le contentieux électoral sait appréhender, et surtout l’opinion publique conteste bien davantage aujourd’hui la légitimité d’élections frappées d’une abstention massive que de fraudes électorales marginales.

Par ailleurs, comme nous avions l’occasion de l’expliquer au Journal La Croix, si la crise du Covid-19 est une problématique de moyen ou long terme, ne serait-il pas beaucoup plus dangereux de subir une élection présidentielle dégradée ou pour laquelle devraient être improvisées des procédures nouvelles non maîtrisées ? Dans ce cas, il faut saisir l’occasion donner par les élections départementales et régionales pour tester ces nouvelles procédures afin de garantir une bonne application de celles-ci, en vue des futures élections présidentielle et législatives.

C’est la raison pour laquelle, dans les semaines qui viennent, le blog du droit électoral continuera de creuser cette piste et de vous faire part de ses réflexions, notamment au regard des standards internationaux et des expériences étrangères, afin aussi de répondre aux légitimes inquiétudes et questionnements sur ce point. Il y a quelques raisons de penser que le blog du droit électoral peut apporter certains éléments. Au travail !

Romain Rambaud