26/02/2016 : Et si Donald Trump était candidat à la Présidence de la République française ? Etude sur l’efficacité du plafonnement des dépenses électorales engagées pour l’élection présidentielle [Z. Bremond]

Titre digne du journal satirique en ligne legorafi, cette hypothèse quelque peu anachronique ne semble néanmoins pas totalement improbable eu égard à ce que représente aujourd’hui Donald Trump dans le profil type du candidat à la présidence.

TrumpNaturellement, il semble tout à fait inimaginable que le vrai Donald Trump soit candidat en France. Bien sûr, il pourrait se révéler à une francophilie démesurée l’amenant à requérir la nationalité française, abandonner la course à la présidentielle américaine et venir perturber la scène politique française déjà bien chamboulée. Car il est notable en ces temps de débat sur la déchéance de nationalité que les conditions d’éligibilité à la présidence de la République française ne s’opposent pas à ce qu’un individu naturalisé français puisse se présenter à l’élection suprême. En outre, il convient de relever que les conditions d’éligibilité à la présidence de la République ne sont nullement fixées par la Constitution comme c’est le cas aux États-Unis mais reposent essentiellement sur les conditions requises pour être électeur fixées par la loi ordinaire, les dispositions organiques de la loi du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel renvoyant à l’article LO 127 du code électoral qui prévoit que « Toute personne qui, à la date du premier tour de scrutin, remplit les conditions pour être électeur et n’entre dans aucun des cas d’inéligibilité prévus par le présent livre peut être élue à l’Assemblée nationale ».

Ces conditions sont alors fixées par l’article L2 du code électoral qui prévoit que « Sont électeurs les Françaises et Français âgés de dix-huit ans accomplis, jouissant de leurs droits civils et politiques et n’étant dans aucun cas d’incapacité prévu par la loi ». Le milliardaire américain pourrait donc être candidat sous réserve qu’il puisse acquérir la nationalité française, ce qui dans l’hypothèse où il investirait ses 10 milliards de dollars de fortune personnelle dans l’économie française devrait techniquement se faire sans encombre, l’article 21-19 6° du code civil prévoyant que peut être naturalisé sans condition de durée de résidence en France « l’étranger qui a rendu des services exceptionnels à la France ou celui dont la naturalisation présente pour la France un intérêt exceptionnel. ». À cela s’ajouteraient naturellement les problématiques de maîtrise de la langue française (ce qui ne serait techniquement pas insurmontable pour l’hypothétique francophile Donald Trump) et de récolte des 500 présentations (ce qui serait certainement plus compliqué mais potentiellement facilité par des promesses d’investissements économiques).

DassaultQuoi qu’il en soit, au-delà de ce scénario quelque peu rocambolesque digne d’un film de Stanley Kubrick, il s’agit ici d’envisager non pas la candidature de l’individu Donald Trump mais bien celle du personnage Donald Trump. Ainsi, un Serge Dassault à la tête d’un empire de plus de 17 milliards d’euros (5e fortune française d’après l’hebdomadaire Challenges) pourrait se lancer dans une campagne présidentielle avec des fonds quasiment illimités tant le montant du financement public de la campagne (10.691.775 € pour un candidat arrivé au second tour lors de l’élection de 2012, ce qui correspond à 47,5 % du plafond de dépenses qui était de 22.509.000 €) est ridicule en comparaison.

Une campagne de ce type provoquerait ainsi un sérieux déséquilibre entre les candidats puisque la plupart auraient tendance à se limiter au plafond de dépenses fixé par la loi de 1962 conditionnant l’obtention de ce financement public, tout dépassement étant susceptible d’aboutir à une invalidation du compte de campagne et donc au non-versement du remboursement forfaitaire des frais de campagne engagés par le candidat. Un candidat multimilliardaire n’aurait en revanche pas ce souci, l’obtention ou non du financement public n’étant au regard de sa fortune sans grande incidence.

Incertitudes sur la jeune réglementation sur les dépenses électorales…

RocardPour comprendre cette efficacité limitée du financement public des campagnes électorales, il faut en revenir à la logique qui a présidé son instauration qui selon Michel Rocard (1er ministre à l’origine de la loi du 15 janvier 1990 relative à la limitation des dépenses électorales et à la clarification du financement des activités politiques) devait permettre « d’interdire toutes les dérives possibles liées à l’absence d’encadrement des financements des partis politiques » (Michel Rocard, Si ça vous amuse, Flammarion, 2010, pp. 146-150). Ainsi, pour un candidat qualifié pour le second tour de l’élection présidentielle, l’article 3 II de la loi de 1962 prévoit un plafond de dépenses électorales fixé à 18,3 millions d’euros, celui-ci étant porté à 22.509.000 d’euros en application de la majoration prévue par le décret n° 2009-1730 du 30 décembre 2009. Afin de s’assurer du respect de cette règle, la loi de 1990 disposait que les candidats à l’élection présidentielle transmettent dans les deux mois suivant l’élection au Conseil constitutionnel leur compte de campagne. Celui-ci disposait alors des pouvoirs prévus aux articles L52-15 et L52-17 du code électoral lui permettant notamment d’approuver de rejeter ou de réformer le compte de campagne, un rejet pour dépassement de plafond ayant pour conséquence le non-remboursement des frais de campagne.

Le Conseil constitutionnel se saisissait ainsi systématiquement des comptes de campagne, pouvait les rejeter ou les réformer et en tirer les conséquences en décidant de ne pas rembourser au candidat ses frais de campagne. C’est ce qu’il s’est produit lors de l’élection présidentielle de 1995 pour Jacques Cheminade (décision n° 95-88 PDR) dont le compte de campagne avait alors été rejeté non pas pour dépassement du plafond de dépense mais pour non-respect des règles de versement des dons qui ne peuvent pas survenir après l’élection. La sanction revêtait alors des conséquences dramatiques pour ce candidat qui n’étant « pas soutenu par un courant d’opinion important » risquait « de perdre son patrimoine », les banques ayant vraisemblablement « exigé sa caution personnelle » pour lui consentir des prêts (Francis Hamon, Le contrôle juridiction du compte de campagne des candidats à la présidentielle : entre rigueur financière et prudence politique, Les petites affiches, 2013 n° 210, pp. 4-8). Néanmoins, outre cette potentielle sanction financière, il ne faut pas oublier que le Conseil constitutionnel était alors appelé à se prononcer sur les comptes de campagne du candidat en tant que juge de l’élection en témoigne la référence dans cette décision à l’article 58 de la Constitution fondant sa compétence pour veiller à la régularité de l’élection du Président de la République.

ChiracAinsi, Roland Dumas, alors président du Conseil constitutionnel en 1995 a laissé entendre dans un entretien donné au monde que s’il (le Conseil constitutionnel) avait rejeté le compte de campagne du candidat élu (Jacques Chirac), cela aurait eu potentiellement pour conséquence d’annuler l’élection de celui-ci ce qui selon lui aurait été une remise en cause de la démocratie. Formellement, il semble en effet que le Conseil aurait pu annuler l’élection pour ce motif puisque se prononçant sur le fondement de l’article 58, son rôle est de veiller « à la régularité de l’élection du président de la République ». Cette terminologie qui est reprise quasiment à l’identique à l’article 59 de la Constitution qui dispose que « le Conseil constitutionnel statue […] sur la régularité de l’élection des députés et des sénateurs » a amené la commission constitutionnelle provisoire à en faire une lecture restrictive, celle-ci ayant refusé en 1958 dans sa décision Rebeuf (décision n° 58-34 AN rendue le 12 décembre 1958) de déclarer un bulletin valable afin de permettre au requérant « d’obtenir le remboursement des frais engagés par lui pour sa campagne électorale » (l’article 19 de l’ordonnance du 13 octobre 1958 relative à l’élection des députés prévoyait en effet la prise en charge par l’État pour les candidats ayant obtenu 5 % des voix des frais engagés pour imprimer les bulletins de vote et les affiches de campagne).

… levées par le législateur organique en 2006 …

SarkozyCe péril qu’aurait alors été l’annulation d’une élection et la remise en cause du mandat d’un président élu au suffrage universel amena le législateur organique à envisager de déconnecter formellement le contrôle des comptes de campagne des candidats à l’élection présidentielle du contrôle de l’élection en tant que tel. Ainsi en 2006, le ministre chargé des collectivités territoriales (Brice Hortefeux) délégué auprès du ministre de l’Intérieur (Nicolas Sarkozy) fit adopter par le Parlement la loi organique n° 2006-404 du 5 avril 2006 afin d’aboutir à cet objectif. Le nouveau dispositif prévoyait alors de confier à la commission nationale des comptes de campagne et du financement politique (CNCCFP) le contrôle de la régularité des comptes de campagne des candidats à l’élection présidentielle, les décisions de la commission pouvant éventuellement faire l’objet d’un recours de pleine juridiction devant le Conseil constitutionnel par le candidat concerné.

CNCCFPCe nouveau processus fut ainsi pleinement utilisé à l’occasion de l’élection présidentielle de 2012 lors de laquelle la CNCCFP va rejeter le compte de campagne du candidat Nicolas Sarkozy et donc lui refuser le remboursement de ses frais de campagne. Le candidat fit un recours devant le Conseil constitutionnel qui confirma la décision de la commission. Sans entrer dans le détail du rejet de ce compte, il convient de relever que le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2013-156 PDR du 4 juillet 2013 ne vise plus l’article 58 de la Constitution ce qui dénote de cette déconnexion de la fonction de juge électoral – dévolue par la Constitution – de celle de juge « d’appel » de la validité du compte de campagne du candidat à l’élection présidentielle – dévolue par la loi organique –. Bien sûr, le candidat ainsi sanctionné n’a pas été élu et la dimension « juge électoral » comportait une importance mineure, la seule sanction étant celle du non-remboursement des frais de campagne assorti d’une sanction pécuniaire équivalente au montant du dépassement du plafond des dépenses de campagne devant être reversée au trésor public. Par la suite, le volet pénal de l’affaire peut ajouter éventuellement une sanction complémentaire de « droit pénal électoral » au regard de la sanction prévue à l’article L113-1.I 3° du code électoral prévoyant une amende de 3750 € et/ou un emprisonnement d’un an pour quiconque aura dépassé le plafond des dépenses électorales. C’est aujourd’hui l’objet de la mise en examen de Nicolas Sarkozy à propos de laquelle Romain Rambaud a déjà dit ce qu’il fallait en dire.

Mais si l’on revient alors au postulat d’origine de politique-fiction, cette situation semble beaucoup plus problématique encore si l’on envisage un candidat multimilliardaire tel que Donald Trump pour qui la participation de l’État à ses dépenses de campagne est accessoire, un candidat susceptible de contribuer personnellement intégralement à sa campagne et avec des fonds dépassant de loin tout ce que pourraient mettre les autres candidats et bien évidemment, un candidat ayant remporté l’élection présidentielle en ayant dépassé le plafond de dépenses électorales. En procédant ainsi et en respectant néanmoins strictement la réglementation sur les fraudes électorales (tel que l’achat de vote prévu à l’article 106 du code électoral) et sur les temps de parole des candidats dans les médias, il semble probable qu’avec une campagne à 200 millions d’euros, ce candidat puisse largement occulter la campagne de ses adversaires et remporter l’élection malgré un dépassement flagrant du plafond de dépenses de campagne.

Malgré son élection, son compte de campagne (s’il a pris la peine de le déposer) ou son absence de dépôt du compte de campagne engendrerait en toute logique un rejet de son compte par la CNCCFP et donc le non-remboursement de ses frais de campagne ainsi que la fixation de la somme équivalent au montant du dépassement du plafond de dépense (pour une campagne à 200 millions d’euros, environ 180 millions par exemple) qu’il serait tenu de verser au trésor public (ce qui n’aurait finalement pour conséquence « que » de quasiment doubler ses dépenses de campagne ce qui encore serait un risque prévisible et potentiellement supportable par ce candidat).

Code électoralNéanmoins, cette sanction ne remettrait nullement en cause son élection, la CNCCFP ne pouvant pas faire ce qu’elle fait lorsqu’il s’agit d’une élection législative, à savoir saisir le juge de l’élection (le Conseil constitutionnel donc) qui – conformément à l’article LO 136-1 du code électoral – peut prononcer à l’égard du candidat dont le compte de campagne a été rejeté une peine d’inéligibilité ce qui dans le cas où le candidat ainsi condamné est le candidat élu aurait pour conséquence de remettre immédiatement son mandat en jeu. Or, comme cela a été évoqué précédemment, le Conseil constitutionnel ne peut dorénavant être saisi du compte de campagne d’un candidat à l’élection présidentielle qu’à la demande de celui-ci afin de contester la décision de la CNCCFP. Ainsi, on peut supposer que le candidat ayant sciemment dépassé le plafond de dépenses électorales préférera se plier à la sanction financière de la CNCCFP plutôt que de prendre le risque de saisir le juge de l’élection et de provoquer ainsi une remise en cause prétorienne de son élection pour non-respect des règles de financement de la campagne.

Conseil constitutionnelEn outre, même s’il prenait ce risque, il ne semble en pratique pas possible pour le Conseil constitutionnel d’appliquer à l’élection présidentielle ce qui se fait pour l’élection législative, le législateur organique ayant limitativement déterminé les articles du Code électoral applicables à l’élection présidentielle, excluant de fait les articles L118-3 et LO 136-1 prévoyant la prononciation d’une peine d’inéligibilité à l’encontre d’un candidat dont le compte de campagne aurait été rejeté. La seule option restante serait alors la saisine par la CNCCFP du procureur afin d’engager à l’égard du candidat des poursuites pénales au regard de l’infraction prévue par l’article L113-1.I 3°. Or, cela poserait encore de nouveaux problèmes limitant l’efficacité de cette option :

  • comme l’a clairement expliqué Romain Rambaud dans son article relatif à la mise en examen de Nicolas Sarkozy pour dépassement du plafond de ses dépenses électorales, il est désormais très rare que la CNCCFP saisisse le procureur ce qui effectivement n’a pas été le cas suite au rejet du compte de campagne du candidat Sarkozy (seule l’affaire Bygmalion a finalement amené le procureur à se saisir de ce chef d’inculpation à l’égard de l’ancien chef d’État) ;
  • dans l’hypothèse où le procureur serait néanmoins saisi, les sanctions encourues n’auraient nullement pour objet de remettre en cause l’élection présidentielle (pas de privation des droits civiques ni de peine d’inéligibilité), la sanction pécuniaire étant extrêmement faible vu l’importance des sommes en jeu et la peine de prison ferme peu probable ;
  • enfin, en imaginant que la CNCCFP saisisse le procureur, que celui-ci décide de poursuivre le président élu et qu’un juge particulièrement sévère déciderait de la condamner à une peine d’un an de prison ferme, le statut pénal du chef de l’État fixé par l’article 67 de la Constitution s’oppose à ce que toute action (pénale ou administrative) puisse être entreprise à son égard durant son mandat. À ce titre, il convient de relever que même la sanction pécuniaire prononcée par la CNCCFP ne pourrait être mise en exécution s’il se refusait de verser au trésor public la somme ainsi déterminée.

Maison blancheCes différents éléments traduisent ainsi le manque d’efficacité de ces mécanismes de limitation des dépenses électorales en vue de l’élection présidentielle tels qu’ils sont envisagés aujourd’hui. Ainsi, pour revenir à notre hypothèse d’école, on pourrait parfaitement imaginer qu’un candidat multimilliardaire tel que Donald Trump puisse à défaut de la maison blanche s’acheter l’Élysée.

… mais pas tout à fait

ElyséeNéanmoins, comme le droit électoral est une matière vivante que le juge alimente en fonction des cas qui lui sont présentés, que l’élection présidentielle au suffrage universel est une élection au demeurant assez nouvelle en France (10 élections contre 57 aux États-Unis), que le plafonnement des dépenses de campagne l’est encore plus sans parler de la massification des campagnes électorales qui avec l’explosion des nouvelles technologies tend à accroître de manière exponentielle les dépenses de campagne, il convient d’évoquer certaines options susceptibles de permettre au juge d’intervenir un peu plus efficacement pour faire face à cette situation inédite :

  • tout d’abord, il convient de relever l’hypothèse dans laquelle le Conseil constitutionnel saisi d’une contestation à l’égard de l’élection présidentielle puisse considérer qu’au regard de la gravité des irrégularités constatés dans la campagne du candidat Trump, cela justifierait l’annulation totale du scrutin conformément à la compétence qui lui est dévolue par l’article 50 de l’ordonnance n°58-1067 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel auquel renvoi la loi de 1962. Il va de soit néanmoins que cette hypothèse ne serait crédible que dans l’hypothèse où le Conseil serait à même de constater des irrégularités découlant de dépenses non autorisées impliquant notamment des achats de vote ou de la propagande électorale le jour du scrutin,
  • par la suite, on pourrait envisager qu’au support de cette saisine à l’encontre de la régularité de l’élection, les requérants contestent directement la violation par le candidat élu de la réglementation relative à ses dépenses de campagne ce qui remettrait en cause son éligibilité conformément à l’article LO 136-1 du code électoral. Comme évoqué précédemment, cet article n’est techniquement pas applicable à l’élection présidentielle puisqu’il vise directement l’élection des députés et que la loi organique relative à l’élection du Président de la République ne le cite pas dans les articles applicables à l’élection présidentielle. Néanmoins, cette même loi cite en revanche l’article LO 127 du code électoral qui prévoit que « Toute personne qui […] n’entre dans aucun des cas d’inéligibilité prévus par le présent livre peut être élue à l’Assemblée nationale ». Or, l’article LO 136-1 figure parmi les cas d’inéligibilité prévus par le présent livre ; ainsi, en reprenant une pratique bien connue du Conseil constitutionnel qui consiste à rendre applicable les renvois faits par un texte de référence (fameuse décision de 1971 relative à la liberté d’association dans laquelle le Conseil a considéré qu’en insérant dans le préambule de la Constitution de 1958 une référence au préambule de la Constitution de 1946, le constituant a entendu donner une valeur normative à ce texte), il serait tout à fait envisageable que face à un cas aussi sensible, le Conseil se permette cette interprétation extensive de la volonté du législateur organique, la référence faite au LO 127 étant finalement assimilée à un pseudo réflexe freudien stimulé par l’inconscient du législateur organique qui aurait ainsi voulu offrir au juge de l’élection une échappatoire afin de remettre en cause une élection présidentielle acquise dans ces conditions. Néanmoins, il convient de relever que dans l’hypothèse où le Conseil constitutionnel admettrait cette voie de recours, il ne pourrait pas faire autrement que de surseoir à statuer en attendant la décision de la CNCCFP sur le compte de campagne…
  • la dernière option envisageable serait alors non pas un recours au juge mais un recours aux mécanismes de régulation de la démocratie, le parlement sortant (potentiellement hostile à un président ainsi élu) pouvant dans l’intervalle séparant l’entrée en fonction du nouveau président et le renouvellement de l’Assemblée nationale (environ un mois) réunir en urgence la Haute Cour afin de destituer immédiatement le nouveau président pour comportement manifestement incompatible à l’exercice de son mandat conformément à l’article 68 de la Constitution. Cette hypothèse semble néanmoins peu probable dans la mesure où pire encore que l’annulation d’une élection par le juge (déjà démocratiquement difficilement acceptable), cela aurait en tout état de cause l’apparence d’un coup d’État parlementaire, rappelant inévitablement les pires heures de l’histoire parlementaire. De plus, le président élu pourrait immédiatement dissoudre l’Assemblée nationale afin de suspendre la procédure de réunion de la Haute Cour.

 

PhelippeauEn conclusion de cette étude prospective sur l’hypothétique candidature d’un candidat multimilliardaire tel que Donald Trump à l’élection présidentielle française, il convient de relever que si les armes juridiques pour faire face à une violation délibérée de la réglementation relative au financement des campagnes électorales semblent être d’une efficacité limitée, il ne faut pas exclure le fait que la victoire d’un candidat de ce type à l’élection présidentielle française n’aurait malgré des fonds illimités rien d’évident. Ainsi, pour faire référence à des travaux qui relèvent bien plus de la sociologie politique que du droit, Abel François et Éric Phélippeau (Le financement de la vie politique, Armand Colin, 2015, pp. 104-116) démontrent que le lien entre financement de la campagne et suffrages obtenus n’a rien d’évident, une augmentation exponentielle du financement n’aboutissant pas automatiquement à une augmentation des suffrages obtenues, cela pouvant en certaines circonstances avoir même un effet contreproductif. De plus, une étude faite sur les élections législatives de 1993 (Philip et Christian Palda, 1998) a démontré un impact négatif sur les suffrages obtenus d’un candidat se finançant essentiellement par apport personnel, cela laissant l’impression que le candidat « achète son élection ». S’ajoute à ces éléments d’autres critères tels que le profil des candidats et leur capacité à se financer (Phélipeau et Ragouet, 2007 sur les élections législatives de 1993), les dépenses engrangées par les concurrents et le positionnement du candidat sur l’échiquier politique (Foucault et François, 2005 sur les élections législatives de 1997) ou bien la temporalité des dépenses électorales (Epstein et Franck, 2007, sur les élections législatives de 2002). Ainsi, il semble donc qu’au-delà des limitations juridiques et de leur efficacité relative, les plus à même à défendre la légalité républicaine et l’égalité entre les candidats restent avant tout les électeurs, la régulation démocratique étant quoi qu’on en dise la seule dont la légitimité demeure incontestable. Pour conclure avec les mots du professeur Dominique Rousseau, il faut pour sauvegarder la démocratie que la démocratie continue.

Zérah Bremond

 Photo Zérah