24/09/2012 : Chute de la popularité du Président de la République et du Premier ministre : réflexions sur les baromètres de popularité et le droit des sondages

L’information a fait grand bruit et a été reprise un peu partout dans le presse, démontrant si besoin était à quel point les enquêtes d’opinion publique constituent aujourd’hui une information en elles-mêmes.  Le dernier Baromètre IFOP/JDD marque en effet une chute très marquée de la popularité de l’exécutif, de quoi donner l’occasion de réfléchir à cet instrument particulier qu’est le baromètre de popularité et à son rapport avec le droit des sondages.

 

L’impopularité croissante de l’exécutif mesurée par les baromètres de popularité

Dans le Journal du dimanche en date du 23 septembre 2012, François Hollande subit, selon le Baromètre IFOP/JDD, une chute de 11 points, ce qui constitue, selon le journal, l’une des chutes les spectaculaires de la Vème République, comparable seulement aux chutes de Jacques Chirac après le non au référendum européen en 2005 et du Général de Gaulle en 1962 avec la fin de la guerre d’Algérie !

Les scores de François Hollande sont les suivants : 43 % se déclarent satisfaits de son action, contre 54 % en aout, 56 % en juillet, 59 % en juin et 61 % en mai ! Une chute spectaculaire, donc.

Quant au Premier ministre, il n’est pas une situation plus confortable. 50 % des français se déclarent satisfaits de son action en septembre, contre 57 % en août, 61 % en juillet, et 65 % en mai et en juin 2012 !

Au passage, on notera que la popularité du Premier ministre est plus élevée que celle du Président de la République, en conformité avec la jurisprudence Fillon et contrairement à une tradition qu’on pensait bien établie dans la Vème République, dont François Hollande avait souhaité dans la campagne le retour à la normale. Phénomène lié à la personnalité retirée du Premier ministre ou dynamique durable des institutions de la Vème République ? Nous avons notre avis sur la question, mais il s’agit là d’un autre débat.

En tout cas, ce sont des résultats qui ont de quoi inquiéter au plus haut niveau, d’autant que cette tendance baissière n’est pas seulement mesurée par l’IFOP. D’autres instituts l’ont également constatée : ainsi par exemple un baromètre d’IPSOS publié par Le Point le 12 septembre 2012, un baromètre réalisé par  LH2 pour le Nouvels Obs réalisé le 14 et 15 septembre, etc. On pourra retrouver utilement ces enquêtes, qui vont toutes dans le même sens, sur le site Sondages en France.

En outre, cette situation dégradée ne va sans doute pas s’améliorer. En effet, il y a peu de chances, avec les difficultés politiques et économiques et les insécurités juridiques qui s’annoncent, que le situation ne s’améliore. On attend sur ce point les effets de la ratification du traité budgétaire et des manifestations qui vont l’accompagner le 30 septembre. Les verts ont déjà fait parler d’eux, dans le sens que l’on sait, sur cette question.

Politiquement, cela est d’autant plus vrai que ce désamour s’accompagne d’une crise intellectuelle du modèle de la « présidence normale » qui, instrument utile de conquête du pouvoir, s’avère finalement impossible à mettre en pratique. Les humoristes, notamment, n’ont pas manqué de relever que François Hollande ne prenait plus le train…

 

Baromètres de popularité, transparence et droit des sondages électoraux

Du point de vue technique et du point de vue juridique, ces baromètres de popularité présentent des spécificités qui les distinguent des sondages d’intention de vote.  Il s’agit là de quelque chose d’intéressant à préciser du point de vue du droit des sondages, pour en tirer les conséquences que l’on voudra.

Concernant la technique statistique et sondagière, les baromètres sont des mesures périodiques et régulières de côtes de confiance, d’avenir ou de popularité, créés dans les années 1960. Une liste préalable est proposée au jugement des sondés et ceux-ci doivent donner leur opinion sur l’action ou la personnalité de ces responsables politiques. Ces outils sont considérés par les sondeurs comme particulièrement intéressants dans la mesure notamment où certains baromètres offrent des séries statistiques continues sur plusieurs décennies. C’est notamment le cas du baromètre IFOP/JDD, qui existe et suit en principe la même méthode – en tout cas, c’est la même question qui est posée – depuis 1958. Il permet ainsi de voir l’évolution de la popularité des responsables politiques très en amont dans le temps.

Cet outil reste néanmoins, pour ceux qui n’ont pas directement accès à la cuisine interne des instituts – mais après tout, c’est aussi le cas pour les sondages –  un peu mystérieux.

Toutefois, une tendance positive se dévoile progressivement avec les améliorations récentes de la transparence de la part des instituts et des médias dont on s’était déjà fait l’écho dans ce blog en juin dernier. Sur ce point, la publication du baromètre sur le site du JDD de la notice méthodologique de ce baromètre est très intéressante, et révèle une méthodologie proche du sondage sans être rigoureusement la même : l’échantillon est très large, redressé du point de vue sociodémographique, l’enquête a été réalisée sur une semaine par téléphone. Les résultats sont ventilés en fonction des catégories socio-professionnelles mais aussi en fonction, et c’est un point intéressant, du rattachement politique des personnes interrogées… et sur ce point, les résultats sont cohérents.  Toutefois, on ne connaît pas la méthodologie mises en place pour opérer pour le redressement politique, mais c’est un classique en matière de sondages.

Si la transparence s’améliore, il reste des incertitudes du point de vue du droit. Ces baromètres de popularité sont-ils des sondages électoraux au sens de l’article 1er de la loi du 19 juillet 1977 et sont-ils donc à ce titre contrôlés par la Commission des sondages ?

La réponse à cette question est négative. Certes, depuis 2009, la Commission des sondages contrôle les questions et côtes de popularité et autres enquêtes portant sur les qualités et la notoriété  des différentes personnes susceptibles d’être candidates à ces élections [Rapport de la Commission des sondages relatif aux élections municipales de 2008 et aux élections européennes de 2009 ; Décision du 19 janvier 2010, Le Bien public / LH2]. Sur son site internet et par un communiqué du 28 mars 2012, elle indique que son contrôle porte, dans le cadre de l’élection présidentielle, « non seulement sur les sondages qui portent sur les intentions de vote des électeurs et leurs motivations, mais aussi sur ceux qui sont relatifs à la popularité des hommes politiques, aux opinions exprimées à l’égard des candidats, des partis ou groupements politiques ou plus généralement à l’égard des sujets liés au débat électoral ».

Toutefois, ce contrôle ne s’étend pas aux baromètres de popularité classiques, réalisés chaque semaine, sondant le Président de la République, le Premier ministre, mais aussi toutes les personnalités politiques, en dehors du cadre d’une élection. Ainsi, en 2009, concernant une polémique portant sur un sondage relatif à la popularité européenne de Nicolas Sarkozy, la Commission avait exclut tout contrôle car ce sondage n’avait pas de rapport avec une élection. Ces baromètres sont en effet considérés comme n’ayant pas d’impact sur les élections : ainsi, le fait que Bertrand Kouchner ait toujours eu une excellente popularité n’a pas boosté sa carrière politique au sein du PS… avec les conséquences, en termes politique, que l’on sait. Cette solution change cependant dès lors que la mesure de la popularité s’inscrit dans la dynamique de l’élection, ce qui n’est pas le cas de ces baromètres généraux.

Une nouvelle occasion, donc, de s’interroger sur le champ d’application de la loi du 19 juillet 1977. D’ailleurs, les sénateurs Sueur et Portelli s’étaient eux-même demander, dans le cadre de leur proposition de loi d’octobre 2010, s’il ne serait pas pertinent d’opérer un contrôle sur ces baromètres, sans succès comme on le sait.

Toutefois, force est de constater qu’il est peu probable que les résultats de ces enquêtes seraient significativement différents si ces dernières devaient être contrôlées, en témoigne la concordance des enquêtes qui toutes, démontre que la dynamique est à l’impopularité de l’exécutif. Après tout, vu le contexte, cela n’est guère étonnant.

 

Romain Rambaud