14/10/2012 : Présidentielle 2012, le JDD et l’IFOP refont le match !

Un sondage pas banal, ce matin, dans le JDD daté du 14 octobre 2012.

La Une du journal : « Si on revotait aujourd’hui… » , « Six mois après l’élection présidentielle, notre sondage qui ‘refait le match ». Pourquoi Hollande baisse ? Sarkozy veut-il vraiment revenir ? ».

Un sondage, donc, réalisé par l’IFOP pour le JDD et ayant vocation à demander aux français, six mois après l’élection présidentielle, quelle serait leur intention de vote si la présidentielle se déroulait aujourd’hui… avec les acteurs d’il y a six mois !

Selon ce sondage, Nicolas Sarkozy reprendrait la tête du premier tour, à 29.5% contre 27.2% en mai dernier, contre un François Hollande qui atteindrait 28 %, contre 28.6 % en mai dernier. Toutefois, au second tour, l’IFOP met les candidats à 50 % et considère, s’il devait les départager, que Nicolas Sarkozy serait battu de justesse. Mais l’institut n’est pas sûr de son résultat et considère qu’en réalité ce seraient les électeurs d’Outre-mer, et les électeurs de l’étranger, non sondés dans l’enquête, qui pourraient départager les candidats. De quoi noter des évolutions sans aller jusqu’à dire que si l’élection avait lieu aujourd’hui, notre président ne serait pas le même. C’est plus prudent…

Quels commentaires peuvent appeler un tel sondage ? Deux types de commentaire : un commentaire juridique d’abord et un commentaire politique ensuite.

 

Le sondage post-élection présidentielle : contrôlé ou pas contrôlé ?

Tout d’abord, on peut réaliser une analyse juridique de ce sondage et plus précisément de la question de savoir s’il a été ou non  contrôlé. Sur ce point, l’article pose question, puisqu’il prend soin de préciser que cette enquête a été « réalisée dans les règles de l’art et contrôlée par la Commission nationale des sondages ». Voilà qui pose problème.

Que ce sondage ait été réalisé dans les règles de l’art, il n’y a pas de raison d’en douter a priori, et ses résultats, d’ailleurs, ne semblent pas si étonnants qu’il faudrait s’en méfier particulièrement. Ce qui pose question, en revanche, c’est l’affirmation selon laquelle ce sondage a été contrôlé par la Commission des sondages.

En effet, la Commission des sondages ne contrôle pas les sondages postérieurs à une élection, en vertu d’une pratique bien établie comme elle le rappelle notamment dans son rapport de 2005 (p.3).

Et cela est tout à fait normal : en effet, le fondement du contrôle de la Commission, sa seule justification venant limiter la liberté de produire, donner et recevoir des informations émanant de la liberté d’expression, est, selon la jurisprudence de la Cour de cassation et du Conseil d’Etat, la liberté du suffrage et la sincérité du scrutin. Seule l’élection constitue juridiquement un fondement suffisant pour limiter la liberté d’expression, qui protège la publication des sondages. Or, une fois l’élection passée, il n’y a plus de raison de contrôler le sondage puisque par définition il ne peut plus avoir d’effets sur le scrutin.

Une bonne logique que la Commission applique avec rigueur, raison pour laquelle, renseignements pris, le secrétariat de la Commission des sondages a considéré qu’il n’était pas nécessaire d’aller plus loin dans le contrôle, appliquant la logique juridique en vigueur. Il est regrettable que cette solution logique soit semble-t-il déformée dans l’article du JDD, même s’il ne s’agit sans doute là que d’une petite inexactitude qui ne prête guère à conséquences.

D’autant si l’on procède à une analyse politique rigoureuse des résultats de cette enquête d’opinion pas banale.

 

Le sondage post-élection présidentielle : utile ou inutile ?

Le premier réflexe à la vue d’un sondage ayant pour objet de refaire le match six mois après est d’être un peu – si l’on a un peu d’esprit critique sur la question des sondages –  sceptique sur son utilité… et sa vraisemblance. A la lecture pourtant, et à la stricte condition d’en relativiser la portée et d’être bien conscient des limites – importantes – de l’exercice, ce sondage s’avère instructif.

Il faut donc préciser immédiatement que ce sondage est à prendre avec des pincettes car l’idée de refaire l’élection six mois après n’est pas du tout instinctive et comporte tant de biais – anachronisme en tête, impossibilité de mesurer les dynamiques réelles, d’imaginer les effets de la campagne, ainsi que le jeu des alliances et le mouvement des girouettes – qu’il est difficile d’y voir autre chose qu’une information instructive sur l’état actuel de l’opinion.

Il serait sans doute abusif d’y voir ce qui aurait pu se passer dans l’élection que nous venons de vivre ou ce qui se passerait demain dans une élection présidentielle, où d’ailleurs les candidats seraient différents ! Sur ce point, on peut regretter, mais c’est un reproche qu’on a déjà pu faire, que l’article n’insiste pas plus sur les limites intrinsèques de l’exercice.

On peut toutefois voir dans ce sondage la manifestation – ou une confirmation selon une autre méthode – des tendances actuelles de l’opinion et en cela ce sondage est intéressant… en plus d’être assez amusant dans sa forme.

Ce sondage est instructif d’abord dans ses résultats directs et donc les évolutions de l’opinion qu’il mesure : une légère baisse de Jean-Luc Mélenchon, une baisse de François Bayrou profitant à Sarkozy mais surtout, une montée – encore ! – de Marine Le Pen (+ 1,6 point à… 19.5% au premier tour). L’ensemble traduit un glissement très fort vers la droite des français : la gauche recule de deux points, la droite en gagne deux et demi, voire quatre si on prend en compte le score du FN.

Ce sondage est instructif ensuite par sa comparaison avec les résultats qu’avait donnés le même exercice en 2007. En effet, selon le journal toujours, l’IFOP avait sondé en 2007, six mois après l’élection de Nicolas Sarkozy, les français selon les même méthodes, mais alors, le succès  du président avait été confirmé et s’était même amplifié, avec une Ségolène Royal qui reculait de trois points au premier tour et de deux au second !

Dans les deux cas, ce sondage est donc un mauvais signal pour l’exécutif, confirmant les tendances mesurées depuis des semaines et dont on avait pu se faire l’écho ici dans un article consacré aux baromètres de popularité.

Une donnée aujourd’hui prise en compte par le chef de l’Etat, qui, mais il n’a pas le choix, choisira la posture de celui qui risque l’impopularité en espérant, à un moment ou un autre, remonter la pente d’une opinion qui apparaît, plus que jamais, indécise.

 

Romain Rambaud